30 oct. 2013

Les Manuscrits de Tombouctou : secrets, mythes et réalités - Jean Michel Djian

Lorsque le 25 Janvier dernier , les djihadistes qui se sont emparés du Nord Mali, ont perpétré un autodafé à la grande bibliothèque Ahmed Baba de Tombouctou, tout le monde a craint le pire. Cet événement à été l'occasion pour certains, d'entendre parler pour la première fois des Manuscrits de Tombouctou et des mythes qui entourent leur existence. Pour d'autres, il a constitué l'occasion d' impulser une prise de conscience sur l'importance de cette richesse culturelle, écrite, qu'il faut impérativement préserver et déchiffrer.

C'est à cette période que j'ai entendu parler du livre de Jean-Michel Djian, : les Manuscrits de Tombouctou, paru aux éditions JC Lattès en octobre 2012.
 Jean-Michel Djian est journaliste et auteur, entre autre de: Politique culturelle, la fin d'un mythe (Gallimard, 2005), d' Aux arts citoyens, De l'éducation artistique en particulier(Homnisphères, 2009) et d'une biographie, Ahmadou Kourouma (Seuil, 2010).
Les Manuscrits de Tombouctou contient principalement des contributions d'experts : historiens, écrivains,  philosophes tels que Doulaye Konaté, Mahmoud Abdou Zouber, Cheikh, Cheikh Hamidou Kane, Souleymane Bachir Ndiaye et de sublimes photos du photographe malien Seydou Camara.
Il s'agit d'un véritable voyage  dans cette région de l'Afrique, à travers l'histoire de ces ouvrages. Les auteurs nous parlent aussi bien de la manière dont ils ont été réalisés que de leur contenu, en passant par des informations sur les érudits, auteurs ces manuscrits.



Estimés à plus de 900 000, ils ont, pour la plupart, été réalisé entre le XIIIe, pour les plus vieux d'entre eux et le XIXe siècle. Les sujets qui y sont abordés sont vastes. On y trouve des traités politiques, de climatologie, de médecine... Des informations sur le cours du sel et des épices, les ventes, des actes de justice, des précis de grammaire. On y retrouve également des conseils sur les relations sexuelles, des mises en garde sur les méfaits du tabac, des explications sur les bienfaits de la prière en commun ou encore de la littérature notamment de la poésie et de la fiction. Des extraits, de manuscrits traduits sont présents dans le livre. Nous avons  par exemple le traité de Abdul Karim al-Maguly, conseiller de l'empereur Aski Mohamed, intitulé : "A propos des bon principes de gouvernement" datant XVe siècle. Il semble que la "genèse de cet écrit (soit) très similaire à celle du Prince de Machiavel" p76, essai écrit, beaucoup plus tard, au XVIIe siècle.

On retrouve ces manuscrits à Tombouctou, à Djenné au Mali, Chinguetti en Mauritanie ou encore Agadez au Niger. "Cette diversité des endroits où vous pouvez les trouver est l'expression de la connaissance nomade dans le XIVe siècle". Toutefois, il serait plus de 100 000 dans la seule ville de Tombouctou et sa région. On les retrouve dans des bibliothèques familiales, entassés par dizaine dans des coffres poussiéreux. Ils sont également nombreux à la bibliothèque Ahmed Baba, du nom du célèbre érudit de l'époque qui dès 1615, dans Échelle pour s'élever à la condition juridique des Soudanais réduits en esclavage, rejette le mythe de la malédiction de Cham en s'opposant à l'esclavage et à la déshumanisation de l'esclave.
Les auteurs nous parlent également de quelques uns des ces érudits, prolifiques, parfois issus d'une seule et même famille; comme la famille Kounta, à qui l'on doit à elle seule, plus de 500 manuscrits... Ce explique que certaines bibliothèques familiales soient si riches.

Ces manuscrits sont pour la plupart, rédigés en Ajami. Il s'agit de la transcription en alphabet arabe des langues vernaculaires de la région tels que le peul, le bambara, le Swahili, le  wolof ou  l'haoussa. Cependant, peu de personnes parlent ou comprennent l'Ajami aujourd'hui; ce qui rend leur déchiffrage difficile.

Au-delà de l'histoire de ces Manuscrits, les auteurs nous font replonger dans l'histoire même de cette région du continent, notamment de Tombouctou, cité florissante, qui au XVe siècle, à l'époque de l'Empire Songhaï , constitue le carrefour du sel et de l'or. Le commerce fervent connu par la région pendant deux siècles permettra l'éclosion d'un foyer intellectuel où se créeront, autour d'endroits emblématiques de la ville, telle que la mosquée de Sankoré ou encore la mosquée de Djingareyber, de nombreuses écoles, rassemblant dans leur ensemble près de 25 000 étudiants, venant de toute l'Afrique : de Fès, du Caire, de l'empire du Ghana... Ces élèves sont réunis devant des Ulémas, accompagnés de copistes, qui reproduisent fidèlement tout ce qui est dit.  D'après Jean Michel Djian "cette économie fondée sur la connaissance, organisé depuis des siècles, n'a pas d'autre équivalent dans d'autres régions de l'Afrique."

Mosquée de Sankoré à Tombouctou

Les auteurs nous parlent également des Empires qui se sont succédés, de Kankan Musa du Mali en passant par la dynastie des Askias de l'Empire Songhaï. Des échanges commerciaux, en passant par l'islamisation qui a joué un rôle important dans le rayonnement culturel de la région et sa production intellectuelle. L'auteur nous parle également de la vie politique et culturel. Des échanges entre la région et le Maghreb, l'Andalousie,  l'empire du Ghana et bien d'autres. Ils nous parlent également des premiers explorateurs occidentaux de la région : R. Caillé (1828), H. Barth (1853) et F Dubois (1896) et de leurs chroniques sur la ville mais également des premières chroniques africaines qui constituent les premières sources écrites sur l'histoire de l'empire du Songhaï : Le Tarikh-es-Soudan  et le Tarikh-el-fattach (XVème)... De personnages illustres issus de l'Université de Sankoré de Tombouctou comme Aben Ali, "un médecin formé à l'université de Sankoré de Tombouctou, qui suivra son maître Ysalguier, installé à Gao mais originaire de Toulouse, cité qu'il retrouvera à la fin de sa vie. Il ira s'installer en 1419 et restera dans l'histoire pour avoir, en cinq jours à peine, sauvé de la fièvre jaune le futur Charles VII alors que les médecins du rois l'avaient condamné..." p91
Ils nous parlent également des anciens alphabets africains : les hiéroglyphes égyptiens, le guèze éthiopien, le méroïtique soudanais, l'écriture Bamoun du Cameroun... ( voir vidéo à la fin de l'article)

Carte réaliseé en 1375 par le Catalan Abraham Cresques pour Charles V. Ces derniers tentaient de localiser le royaume du "Rex Melli"ou "roi de l'or" Kankan Musa.


Enfin, l'auteur aborde la question des forces internes et externes qui sont venues déstabiliser l'Empire et ont crée des dégâts irréversibles sur ce foyer intellectuel et sur le continent. Mais également de la question de la méconnaissance de cette richesse. Il nous donne des explications très intéressantes sur les raisons pour lesquelles, les africains eux-même puis l'idéologie africaniste occidentale fondée sur le mythe de la prévalence de l'oralité sur le continent africain, idée perpétuée et soutenue par des auteurs et penseurs africains, ont contribué à occulter l'existence de ces manuscrits et au manque d'intérêt pour leur contenu.

Cette méconnaissance maintien l'ignorance d'une partie de l'histoire de cette région pour les Maliens, les ouest-africains , les africains et le reste du monde. Aujourd'hui, il est important que des actions soient entreprises pour leur collecte, leur conservation, leur catalogage, numérisation , traduction et exploitation. Le docteur Mahmoud Abou Zouber, préconise  "la création urgente de groupe de recherche composé de spécialiste ouest-africains, maghrébins et d'autres horizons pour une exploitation scientifique de ces documents, qui renferment des faits nouveaux et inédits de la plus haute importance, et qui établissent ainsi la preuve que les Soudanais (les noirs) ont acquis une grande maturité culturelle qui leur permet d'écrire eux-même leur histoire et de spéculer sur le droit, la logique, la médecine, la théologie, l'astronomie et la grammaire." p145
 La mise en valeur et l'exploitation de ces manuscrits, remettraient définitivement en cause l'idéologie africaniste occidentale fondée sur le mythe dominant de l'oralité, le "propre" du continent africain, qui ferait de ce dernier un continent "a-historique". Ces manuscrits prouvent que l'oralité et l'écrit se sont longtemps cotoyés sur le continent.
Le déchiffrage de ces manuscrits est d'autant plus important dans un contexte où les africains tentent de se réapproprier les ressorts de leur historicité en tentant d'appréhender le passé , le présent et le futur, d'un point de vue "africanisé". À l'heure où à  Accra ou en Afrique du Sud, sont organisés des congrès sur la réappropriation de l'histoire du continent et notamment la question de "trouver un discours africain pour parler du passé", ces manuscrits pourraient certainement nous offrir des réponses et  pistes de réflexions...  
(Article de Jeune Afrique : Enseignement supérieur, se réapproprier l'histoire du continent: 


 La longue tradition orale, ne doit plus occulter la longue tradition écrite et méconnue du continent africain.



Vidéo intéressante : "Safi Mafundikwa:  Ingéniosité et élégance des ancients alphabets africains":


7 juil. 2013

Les aventures de Tôpé-l'Araignée - Touré Théophile Minan

Un soir, alors que je demandai à ma petite soeur Kadjéli (9ans) si elle connaissait les histoires de Kakou Ananzè l'araignée, elle me demanda à son tour si je connaissais les aventures de Tôpè-l'araignée. Je lui répondis "non". Elle est allée chercher le livre dans sa bibliothèque en me disant " Il faut que tu le lises, il est très très bien"...

Je l'ai dévoré en quelques heures.


On se surprend à sourire dès les premières lignes car l'auteur, sur un ton menaçant, nous explique les raisons pour lesquelles nous devrions nous estimer heureux de ne pas avoir vécu à l'époque du père de Tôpé, ce voleur... d'intelligence car "en fait l'intelligence est une richesse". Ainsi si vous étiez intelligent, vous risquiez de vous faire attaquer par ce dernier, qui vous aurait tout arracher, sans aucune pitié.  En effet, le père de Tôpè parcourrait le monde à la recherche des moindres parcelles d'intelligence qu'il gardait dans une gourde précieuse. Puis un jour à la suite d'un évènement fâcheux durant lequel "celui qui possède toute l'intelligence du monde" sera humilié; on réalisera que les efforts du père de Tôpè auront été vain car  l'homme le plus intelligent du monde est en réalité son fils: Tôpè-l'Araignée.






Ce constat sera confirmé tout au long des aventures de Tôpé . En effet, il utilisera son intelligence pour  sortir des situations cocasses ou dramatique auxquelles sa famille, son village, ou lui-même seront confrontés. Ces situations diverses, imposées par les génies, les conditions météorologiques ou encore des animaux mal intentionnés, sont l'occasion pour Tôpé de démontrer également sa malice, son humilité, son sens de la loyauté ou encore la compassion dont il fait preuve face aux problèmes des autres. Ses qualités sont d'autant plus remarquables qu'il est constamment confronté à Dissia-l'Hyène à l'égoïsme légendaire ; qui n'hésite pas à mettre sa famille, son village en danger pour satisfaire ses désirs. Ne respectant pas les traditions, bafouant les règles qui régissent la vie entre les animaux , il affecte dangereusement  la cohésion et l'équilibre entre les différentes espèces.

Dissia, en raison des conséquences désastreuses de ses actions nous rappelle qu'il faut développer les qualités de Tôpé pour favoriser l'accomplissement de soi et contribuer au bonheur de son entourage.

On trouve dans ce conte des enseignements d'ordres moraux sociaux, pratiques... L'auteur insiste notamment sur le rôle crucial des femmes dans le bon fonctionnement des familles et des villages dans leur ensemble.

Simple, plein d'humour et de malice tout en étant riche d'enseignements en tout genre, ce conte initiatique amènera aussi bien les enfants que les adultes, des villages ou des villes, à s'interroger sur les attitudes à imiter ou à rejeter, sur la façon d'appréhender l'adversité...

L'auteur nous livrera toutes les clés pour " être un "Tôpé""; expression que l'on utilise pour qualifier une personne rusée en pays Tagouana, au centre de la Côte d'Ivoire. 

19 juin 2013

Les pieds sales - Edem Awumey

C'est Akpedze une amie à moi, pour ne pas dire une sœur, qui m'a offert ce roman d'Edem Awumey. C'est un auteur qui comme elle, est né au Togo et vit aujourd'hui au Québec. Quand j'ai découvert ce qu'il y avait à l'intérieur du paquet , elle a dit " Tu vas pouvoir parler d'un auteur du Togo maintenant" ! C'était un gentil petit coup de pression ! (rires)

Je ne connaissais pas Edem Awumey. Pourtant, dès la parution son premier roman, il s'est tout de suite affirmé comme un écrivain de talent . En effet Port-Mélo, paru en 2006, remportera le Grand Prix Littéraire d'Afrique noir. Son deuxième roman, Les pieds sales, paru en 2009 a été retenu pour la sélection du prix Goncourt de la même année.

Les pieds sales ce sont les personnes qui "avaient les pieds crottés et blanchies par la boue et la poussière de toutes les routes qu'elles avaient courrues depuis là-bas"
Ce sont les migrants, les vagabonds poussés sur les routes , pour diverses raisons ; dans l'espoir de connaître des jours meilleurs. Bien souvent, ils se dirigent vers le Nord, en Occident, objet de tous les fantasmes.

Askia est un pied sale.  Son errance a commencé alors qu'il n'avait que cinq ans. À dos d'âne et accompagné de ses deux parents, ils fuyaient la sécheresse qui sévissait au Sahel.
À 47 ans, il erre toujours mais dans les dans les rues de Paris, cette fois, au volant de son taxi. La ville lumière n'est pour lui qu'un labyrinthe sinueux fait d'ombres fantasmatiques qui ne cessent de lui échapper à l'image de son histoire. En effet, Askia est hanté par un  fantôme, celui de son père qui a mystérieusement disparu quelques années auparavant en France. Askia accepte l'idée que son père les ait abandonnés. Mais il semble que le spectre de ce dernier et de sa disparition, ne veuille pas le lâcher. Tout le ramène à son passé, à ce père : Sidi Ben Sylla Mohamed. L'avenir d'Askia semble obstrué

"Tu lui ressemble, Askia. Si tu portais un turban, toi aussi , ce serait parfait. J'aurais l'impression que c'est lui qui est revenu, tout juste l'impression. Car il ne reviendra pas" lui disait sa mère.

"Embraye, Télémaque ! En route ! Pour toutes les raisons que tu veux!" lui dit son père disparu, lorsqu'il rêve.

Même les clients de son taxi lui parle de ce dernier.

Lorsqu' Olia, une jeune photographe Bulgare, monte dans son taxi, elle est tout de suite frappé par la ressemblance entre Askia et ce monsieur en turban qu'elle a photographié quelques années auparavant dans  Paris.Les deux personnages se lancent alors à la recherche de Sidi Ben Sylla Mohamed. 
Askia nourrit enfin l'espoir de pouvoir trouver des réponses à ses questions...

On assistera  à la naissance d'une amitié entre les deux personnages , autour de la figure de ce père.
Ils se sentent d'autant plus proche qu'Olia est elle-aussi une pieds sales, à l'histoire affligeante.
Alors qu'ils sont sur une piste sérieuse, les deux personnages seront rattrapés par leur histoire respective, par les actes posés sur les routes de leur pérégrination...



Ainsi, au-delà du mystère entourant la figure de son père. Askia est dans une véritable quête identitaire. La question "Qui es tu ?" reviens sans cesse...

Mais comment y répondre lorsque l'on a jamais vu son père auquel tous les commentaires nous ramènent ? Lorsque l'on est parti de chez soi depuis si longtemps que l'on n'ose plus y retourner ? Lorsque l'idée du retour  est plus angoissante que celle de continuer à vivre dans la misère, la pression et les menaces ? Comment y répondre lorsque l'on est sans papiers ?

Edem Awumey nous dépeint à travers la vie de ses différents personnages le calvaire d'un grands nombres de migrants : les compromis, la précarité, le racisme, la solitude mais surtout la question du retour ou au contraire de l'exil sans fin. Qu'ils fuient des régimes totalitaires, la misère économique ou  d'autres problèmes, ces personnes , sont souvent prêtes à tout pour partir de chez elle et atteindre la "terre promise". Pourtant, une fois arrivée sur place, la réalité est loin d'être celle qui avait été imaginée.

Certains se battront pour être accepté, pour pouvoir mener une existence décente et ne plus être considéré comme ces étrangers que l'on ne veut pas voir s'arrêter trop longtemps chez soi.

Pour d'autres, commencera une vie de désillusion de laquelle il sera difficile de se soustraire . Car, en effet, à moins d'avoir les moyens ,le courage d'affronter son passé, la situation que l'on fuyait, les changements dans le pays d'origine, le regard des autres; la question du retour restera inconcevable pour beaucoup. On est alors, malgré soi, obsédé par ce que l'on a laissé là-bas. On s'accroche à tout ce qui pourrait nous rappeler ce là-bas qui nous est à la fois si cher et effrayant.

On s'accroche aux photos par exemple. Elles ont une place importante dans ce roman. Les personnages s'accrochent aux visages qui y sont et les emporte partout avec eux. Elles sont comme un semblant de stabilité dans leur univers agité ou tout peut basculer. Elles leur permettent de retracer leurs pérégrinations, fixer leurs souvenirs, leur redonner le sourire ou leur rappellent tout simplement des événements ou période marquante de leur vie.

La question de la quête et de la migration revient tout au long du roman, à travers l'histoire des différents personnages mais également à travers les différentes références de l'auteur. En effet le roman est émaillé de références littéraire et historique qui le rendent intéressants mais complexe également. Askia est un Télémaque des temps modernes qui cherche , Ulysse son père. L'auteur fait également référence à Don Qui Chott  "Vous autres, chevalier errants, vivez en rêvant et rêvez en vivant". L'auteur mentionne l'histoire de l'empire du Songhaï et de l'un de ses rois "Askia Mohamed", l'exode des Éwe, peuple du Togo....

On ne peut donc se laisser aller pendant la lecture de ce roman et ce d'autant plus que l'histoire n'est pas linéaire. L'auteur alterne entre rêve et réalité, retour brusque dans le passé de ses différents personnages...

Les références à différentes villes, continents et histoires sont nombreuses. L'univers d'Askia semble alors atemporel. On oublie qu'il vit à Paris, qu'il vient du Togo où sévit une dictature... 
C'est tout simplement l'histoire d'un migrant, d'un homme qui veut donner un sens à sa vie...

C'est un roman à portée universelle.

L'histoire qui m'a le plus touchée est une histoire secondaire, celle de Monsieur Ali de Port-Saïd : " Il bougeait pour ne pas poser les fesses dans une gare avec le risque de prendre froid. Il vendait ses marrons de Gonesse à Boulogne, histoire de circuler. Et Port-Saïd s'éloignait de plus en plus, Port-Saïd et Abu Nuwas, alors il se fabriquait des pyramides en papier sur le boulevard Saint-Michel pour ne pas oublier..."


15 juin 2013

Un an déjà !!!

Aujourd'hui c'est le premier anniversaire de ce blog. J'en profite pour faire un petit bilan.

Au niveau statistique

Au moment où j'écris cet article , le blog a exactement  14 791 vues à son actif. Ce qui fait, depuis le 15 Juin 2012, une moyenne d'environ 39 visiteurs par jour.
Ce n'est pas énorme mais je n'en suis pas mécontente.
Au fur et à mesure que le blog s'est enrichi de nouveaux articles, il y a eu de plus en plus de visiteurs...

Ainsi dans le top 5 des articles les plus consultés depuis la création de ce blog; on retrouve
1. Les frasques d'Ébinto ( Côte d'Ivoire)
2. Soundjata ou l'épopée Mandingue ( Mali) 
3. Grand-Bassam : ville historique, Berceau de la Côte d'Ivoire  (Côte d'Ivoire) 
4. Le Musée National des Costumes (Côte-d'Ivoire)
5. Les aventures de Leuk-le-Lièvre ( Sénégal)

Ces visiteurs  viennent de toutes les régions du monde : de la Chine en passant par le Danemark, l'Ukraine, la Turquie ou encore l'Argentine.

Dans le top 10 des pays, on retrouve sans surprise, une majorité de pays francophone :
1. États-Unis
2. France
3. Côte d'Ivoire
4.Canada
5. Burkina
6. Russie
7. Sénégal
8. Allemagne
9. Gabon
10.Belgique


Au niveau personnel

Ce blog m'a permis d'apprendre à lire de manière beaucoup plus active. Il me semble qu'avant, j'étais plutôt "spectatrice" des  histoires, des événements et de la manière dont ils étaient racontés. Je m'intéressais peu aux auteurs et au contexte dans lequel ils avaient écrit leur livre.
Ainsi être une lectrice plus active permet de commenter les romans que l'on lit  mais également de se souvenir assez longtemps de ses aspects et éléments les plus importants.

Ces livres m'ont  apporté des connaissances multidisciplinaires sur le continent africain dont l'histoire et les cultures me passionnent. J'ai donc préféré les romans que l'on peut assimiler à des fresques historiques ...

Mais ce blog m'a surtout permis de faire la connaissance de personnes enrichissantes, des partenariats, des discussions...

Je regrette toutefois de ne pas avoir plus de commentaires/critiques de personnes ayant lu les livres dont je parle...

Je remercie tous les visiteurs de ce blog, toutes les personnes qui ont commenté, celles qui m'encourage, qui partage mes articles sans oublier celles qui m'offre des livres !!!



Un grand merci à tous !




1 juin 2013

Nouvelles du pays - Sefi Atta

Ce recueil de nouvelles , nous emporte au cœur d'un Nigéria vivant, plein de contradictions où les innocents ne tardent pas à devenir des criminels, où la modernité et la tradition s'entrechoquent, où les extrémismes s'enflamment,  où la misère côtoie le luxe , où  d'un moment à l'autre tout peut basculer sans coup férir.

À travers les onze nouvelles du recueil, Sefi Atta se fait chroniqueuse du quotidien des nigérians de Lagos et d'ailleurs. Il y a le carrossier visité par des foules à cause d'une prétendue apparition de la Vierge Marie sur un pare-brise, la femme adultère qui sera lapidée, la petite fille intransigeante au cerveau formaté par le poids de son environnement, la bande d'artiste qui se transforme en "desperados", la jeune étudiante qui travaille au noir à Londres et bien d'autres...

Chacune des histoires nous est racontée avec humour et froideur. Comme "Virée au crépuscule", où un jeune Nigérian remonte vers le Nord avec un groupe de migrants clandestins en direction de l'Europe. En chemin il rencontre Patience, une "va bene" (prostituée) attachante de Bamako,  qui brandit sa Bible, à chaque fois qu'elle en a l'occasion. Il décide de la protéger jusqu'à ce que celle-ci lui fasse un coup aussi surprenant qu'inattendu.
 On se surprend à rire de ces retournements tragiques et déboires des personnages.

Nouvelles du pays est une galerie de portraits de femmes qui refusent de battre en retraite devant leurs craintes. Des femmes pleines de vitalité qui se battent contre elle-même , leur entourage , la société. Elles tentent de se soustraire de leurs difficultés par divers moyens : le sexe, la drogue, la religion, la fuite vers l'occident ou tout simplement en s'accrochant à de modestes rêves. Ainsi c'est tout autant de thème que l'auteure aborde avec réalisme et humour; nous permettant d'encaisser ces histoires  bouleversantes où le désir de s'en sortir à tout prix peut pousser à commettre l'irréparable.
Les problèmes politiques du Nigéria ne sont pas en reste, elle aborde des questions telles que le mépris des multinationales pétrolières pour les populations locales, les conflits inter-religieux qui embrasent le Nigéria, la responsabilité des journalistes, le militantisme...



À travers ces nouvelles, c'est également l'image d'une Afrique partagée entre misère et exploitation économique, entre attachement à ses racines et regard vers l'Occident, entre fanatisme religieux et modernisation des pratiques, entre retard de développement et maîtrise d'internet et des réseaux sociaux où sévissent les yahoo yahoo boys (Arnaqueurs)... que nous dépeint Sefi Atta. 
Comme à  l'image de ce continent aux diverses aspérités, le lecteur oscille entre joie, amertume; rire et peine. 

Les chutes sont surprenantes, imprévisibles et  ambiguës. Le lecteur a une impression d'inachevée qui soulèvent des pistes de réflexion et laisse libre cours à notre imagination.
Les dialogues rythment les récits et permettent de cerner rapidement les personnages. 
La langue de l'auteure est vive et décalée. Il s'agit d'une traduction mais il semble que Charlotte Wolliez ait réussi à faire ressortir toutes les nuances de l'oeuvre originale. On ressent le désarroi des clandestins, l'hypocrisie des collègues de travail, la froideur du bureau américain qui distribue les cartes vertes, la tension et l'indécision avant les attaques... 

Sefi Atta est née à Lagos en 1964. Elle a étudié au Nigéria, en Angleterre et aux États-Unis. Elle  vit dans le Mississipi depuis une quinzaine d'année. C'est une romancière, nouvelliste et dramaturge. Elle a reçu en 2006 le prix Wole Soyinka pour son premier roman Le meilleur reste à venir (Everything good will come) (2005). Avec Nouvelles du pays ( News from home) (2009), elle a été la dernière lauréate du prix Noma, prix reçu par  Mariama Bâ en 1980 pour son  roman: Une Si Longue Lettre

Nouvelles du pays m'a donné envie de connaître les autres œuvres de cette auteure.