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28 sept. 2012

Rencontre avec Aboudia



Aboudia, de son vrai nom Abdoulaye Diarassouba est un jeune peintre ivoirien de 29 ans qui a "fait le buzz" au sortir de la crise ivoirienne grâce à ses toiles , aux tailles impressionnantes, retranscrivant "La bataille d'Abidjan". Ces dernières, lui ont certes permis de se faire connaitre, mais Aboudia se réclame plutôt des enfants de la rue, dont il tente d'être l'ambassadeur à travers ses toiles qui dépeignent leur quotidien.

J'ai eu la chance de pouvoir le rencontrer durant mes vacances à Abidjan. Nous nous sommes retrouvés à sococé ( centre-commercial des Deux-Plateaux, un quartier d'Abidjan). J'ai été frappé par son attitude avenante et sa simplicité apparente. J'ai compris par la suite pourquoi ce jeune homme considéré comme l'espoir de la peinture ivoirienne était si disponible , plein d'humilité et d'ÉNERGIE !



 Bonjour Aboudia, est-ce que tu peux nous parler un peu de toi ? Te présenter en quelques mots ?
Je suis né à Abengourou. Je fais de la peinture depuis tout petit. Pendant que mes amis allaient à l'école en kaki ( couleur de l'uniforme des garçons de Côte-d'Ivoire), j'étais à l'école des arts à Abengourou...

Depuis combien de temps peins-tu ? Quand as tu commencé ? comment ta famille a-t-elle réagit ?
J'avais 11-12 ans, quand un jeune étudiant de l'École des Beaux Arts d'Abidjan, a séjourné à la maison. J'aimais ce qu'il faisait et j'ai commencé à m'y intéresser. J'étais très jeune et je me suis donné à fond et finalement sans véritables efforts  j'y suis arrivé car j'étais motivé et je savais exactement ce que je voulais pour moi. En fait c'était un plaisir de faire ça .
Mais cette nouvelle passion n'a pas du tout plu à mon père qui se demandait ce qu'était l'art, à quoi ça servait et est - ce que je pourrai vivre de ça ? N'ayant plus son soutien financier, j'ai dû quitter la maison.
Par la suite, grâce à un ami, j'ai pu passer le concours du centre technique des arts appliqués ( C.T.A.A.). J'ai réussi l'examen et obtenu une bourse, c'est à ce moment-là que j'ai vraiment commencé.

 Comment qualifierais-tu ton style ? Dans quel courant le situerais-tu ?
C'est la peinture urbaine "nouchi"! Le nouchi c'est le langage des ivoiriens qui est né dans la rue. J'essaye de combiner le modernisme et le traditionnel tout en ajoutant le langage nouchi des ivoiriens, qui est né dans les années 1970.

Tu es souvent comparé à Basquiat ! Comment le prends-tu ? Est ce que tu te sens flatté ? 
Ceux qui me compare à Basquiat ne prennent pas le temps de vraiment regarder mon travail. S'ils regardent bien, ils se rendront compte qu'il n'a rien à voir avec celui de Basquiat. On a certes le même thème : les graffitis, les enfants de la rue, la drogue, le mal qu'il y a au plus profond de nous ; mais vous verrez que les traits et la conception des oeuvres n'est pas la même ! Basquiat travaillait avec pleins de couleurs, des graves ; moi je travaille avec des profondeurs, des collages, du kaolin. En fait, avec tout ce que je peux trouver et c'est cela la différence entre nos styles. J'invite donc tout le monde à bien regarder mon travail afin de voir cette différence.
Mais si on me compare à Basquiat, qui est un grand artiste, cela veut dire que ma peinture est prometteuse.

Parle nous un peu de ton travail sur " la bataille d'Abidjan".
J'ai voulu le faire par patriotisme d'abord, parce que je suis ivoirien et parce que tout qui touche la Côte-d'Ivoire me touche également. Les Écrivains, les journalistes, avaient tous pris leur part de responsabilité dans l'histoire. Je me suis donc demandé quel était la part de responsabilité des peintres. J'ai donc voulu écrire l'histoire avec mon pays, tout en peignant cette série d'œuvre pour que les générations futures puissent voir ce qui s'est passé à ce moment-là dans notre pays. C'est un témoignage, je suis témoin de l'histoire.  Il est vrai que ce n'était pas une situation agréable à vivre mais on est là dans la douleur comme dans le bonheur.
Le Buzz est venu d'un agent de Reuters qui était à Abidjan. Il était "fatigué" de faire des reportages sur la guerre alors un monsieur lui a parlé de moi. Après son reportage, j'ai fait le buzz, le tour du monde.

Comment vis-tu ta notoriété aujourd'hui ? Est ce que tu vis de ton art ? Tes tableaux sont-ils à vendre ?
On s'en fou ! Je ne me vois pas comme quelqu'un de célèbre, je n'ai pas envi de l'être. J'ai envi de rester dans l'esprit des gens, de les marquer. Je vais continuer à bosser et à faire plaisir à tous ceux qui aiment ce que je fais et amener ceux qui n'aiment pas l'art à l'aimer.
Oui, je vis de mon art, il y en a pour toutes les bourses. Les prix vont de 95 000  à 6 millions de francs C.F.A 

Comment te vois-tu plus tard ? quels sont tes rêves ? Qu'est ce qui t'inspire aujourd'hui ? On sait que "la bataille d'Abidjan" t'a beaucoup inspiré ...

"La bataille d'Abidjan" ne m'a jamais inspiré. Mon inspiration venait des enfants de la rue, des graffitis que je voyais sur les murs... Ça a juste été une retranscription de ce que je faisais avant "la bataille d'Abidjan". J'ai juste, à un moment donné de ma carrière artistique, témoigné de ce qui c'était passé dans le pays. Maintenant c'est fini, j'ai rangé les pinceaux de la guerre, je reviens aux enfants de la rue.

Quels sont tes rêves et tes projets ?
Je prépare mes expositions en Angleterre, en Allemagne et à New York.
Je rêve d'avoir un jour ma fondation qui accueillera tous les jeunes dans le besoin. Je ne suis pas riche, mais j'essaye , tant bien que mal, d'aider les personnes qui trainent dans la rue, les jeunes qui ont dû quitter leurs parents faute de moyens, ceux qui se sont réfugiés dans la rue. Je finirai bien par trouver les moyens d'aider toutes ses personnes dans le besoin.

Parle nous d'abobogare.com en quelques mots.
Il a été crée par Stéphane ( son agent), parce que je voulais travailler sur les enfants de la rue, ceux des gares, ceux avec lesquels j'ai passé un bon moment à Abobo. On s'est dit qu'on pouvait rester dans la logique des choses et créer ce lien avec ce titre. Abobo est une commune d'Abidjan dans laquelle il y a beaucoup d'enfants qui trainent, qui font de petits métiers. C'est un hommage à tout ces enfants, qui ont des rêves et qui veulent les réaliser plus tard.

As-tu un message à faire passer aux jeunes artistes ?
Les jeunes artistes doivent savoir ce qu'ils veulent réellement et ne pas se laisser distraire pour pouvoir atteindre leurs objectifs.


Vous pouvez retrouver Aboudia sur sa page de fans facebook ou à la galerie Cécile Fakhoury , situé au Boulevard Latrille (Abidjan). Quelques œuvres de l'artiste seront exposées jusqu'au 17 Novembre 2012.