20 juil. 2014

Notre quelque part - Nii Ayikwei Parkes


J’étais à ‘mon quelque part’,quand, à ma grande surprise, j’aperçus la couverture du livre de Nii Ayikwei Parkes, lauréat du Prix Mahogany 2014, que je reconnus immédiatement pour l’avoir vu, revu et rerevu sur internet. Je me tournai vers mon père et lui dis : ‘en fait je vais plutôt prendre celui-là’ pendant que je lui arrachai presque le livre que je lui avais demandé de m’offrir quelques minutes auparavant, pour le remplacer par 'Notre quelque part'.
Il s'agit du premier roman de Nii Ayikwei Parkes, poète du 'spoken word' qui partage sa vie entre l'Angleterre et le Ghana.

« Nous étions à notre quelque part quand elle est arrivée. Celle dont les yeux ne voulaient pas rester en place. Moi-même, je revenais de la case du malafoutier. »…  « Elle portait une façon de jupe petit petit là »p14-15


C’est ainsi que nous plongeons en plein cœur du Ghana  contemporain, dans lequel se côtoient villes et villages, aux réalités, univers et rythme différents; semblant s'accorder difficilement. Pourtant, lorsqu’une ‘masse’ suspecte est découverte à Tafo, dans la case de Koffi Atta, l’inspecteur P.J. Donkor d’Accra, fera appelle à ‘Monsieur-Un-Homme-En-Vaut-Mille’, Kwadwo ‘Kayo’ Odamtten, médecin légiste ou ‘légisse’ selon les villageois, ayant fait ses études à Londres. En somme, un Ghanéen occidentalisé. C’est par des méthodes, pour le moins, discutables et pour des objectifs qui le sont tout autant, que P.J. Donkor réclamera à Kayo un rapport digne de la série « Les Experts ». Le citadin Kayo, sera ainsi obligé de se plonger dans le village et ses manières, au rythme des histoires de Opanyin 'Yao' Poku, vieux chasseur, adepte de vin de palme, dépositaire de la mémoire de Tafo et sa forêt environnante qui cache de nombreux mystères…

Comment Kayo parviendra-t-il à découvrir la vérité ? Comment faire lorsque personne ne semble vouloir coopérer ? Lorsque les villageois, impassibles, semblent ne pas être impressionnés par les hommes de la ville et la ‘science’? Ou  lorsque toutes les réponses aux questions semblent être des paraboles ? 

 « Vous nos Aînés là, vous êtes en train de nous faire danser ici présentement. On vous pose les questions et vous nous donnez un proverbe. » p269

Et que dire de la langue ? Anglais ‘standard’, Pidgin, Twi émaillée de proverbes ou ‘sagesse’ du village de, avec des expressions qui m’ont marqué telles que « Oh Owurade! » comme on dirait « Oh Gnamien! » chez les Akans de Côte d’Ivoire; ou encore les « Chaley, eeh! ». En tant qu’Ouest Africaine, je me suis retrouvée sans aucune difficulté dans ces différents types d’anglais ou devrais-je plutôt dire de français, car j’ai lu la version française de ‘Tail of the Blue Bird’. Traduite de l’anglais par la brillante Sika Farambi, qui a obtenu, en juin, les Prix Baudelaire et Laure Bataillon 2014 pour la traduction de ‘Notre Quelque part’.


Quelle histoire !! Pétillante ! Un véritable régal. Je la recommande vivement à tous! Eï!  Vous  verrez par vous-même « mes frères, que cette terre est pleine de choses étonnantes»!

Roman traduit de l'anglais (Ghana) par Sika Fakambi
Prix Mahogany 2014
Prix Baudelaire 2014
Prix Laure Bataillon 2014
Finaliste du Commonwealth Prize 2011

24 janv. 2014

Grand-Bassam métropole médiévale des N'zima - Association Abissa

Tenter de reconstituer l'histoire des N'zima est l'objectif que se sont donnés onze co-auteurs, tous chercheurs, co-dirigés par les Pr Niamkey Georges Kodjo(historien) et Niamkey Koffi Robert (Philosophe)  et tous originaires de Grand-Bassam; à travers la rédaction de Grand-Bassam, métropole médiévale des N'zima. Ces derniers, réunis au sein du comité de l'Abissa, ont tenté, avec des précisions remarquables de retracer l’histoire des N’Zima de Côte d’Ivoire dont l’expérience, bien distincte de celle des N’Zima du Ghana, à qui ont les associe de manière presque réductrice en leur prêtant bien souvent exclusivement des origines ghanéennes, est méconnue.

Lorsque le pays N’Zima (du Ghana), royaume unitaire, organisé depuis le XIXème siècle en une confédération regroupant les royaumes de Beyinlin et d’Adouambo se brise pour former le Ghana et l’actuelle Côte d’Ivoire, les N’Zima dit de Côte d’Ivoire occupent déjà cette région.  Toutefois on observera  des vagues de migration du royaume N’Zima du Ghana vers celui de la Côte d’Ivoire en raison des guerres fratricides et pressions. La plus célèbre d’entre elle est l’épopée de la Reine Pokou qui  arrivera au XVIII eme siècle dans la vallée du Bandama ( en 1750). C’est cette dernière qui alimentera l’idée selon laquelle les N’Zima sont « arrivés  comme ça  » du Ghana.

Ainsi , les auteurs nous renseigneront sur la réalité historique de la présence des N’zima à Grand Bassam, sur  le peuplement d'Assinie, en passant par Modeste, Port-Bouet, Treichville ou encore  Grand Lahou; territoire des N’zima que les explorateurs appelleront l’Appolonie en raison de la beauté, habileté physique mais surtout l'intelligence remarquable de leurs habitants qui fera de ces derniers des négociants  incontournable dans le commerce de la région. En effet , selon certains explorateurs : « Les Apolloniens , de très beaux hommes se signalaient par la coloration foncée de leur peau, leur taille élancée, et leurs attaches fines… » p115 
Ou encore « Les Apolloniens qui ne sont pas tous bons payeurs, commerçants fins et avisés au plus haut degré ont depuis longtemps appris à s’approvisionner en Europe. Beaucoup d’entre eux ont pour correspondants, des compatriotes établis sur la Côte qui sont eux-même en relations directes avec des commissaires de Liverpool ». p132

Les auteurs nous renseignent sur les différents rois qui se succéderont, sur l’organisation politique du royaume N’zima mais également  sur la lutte acharnée entre les puissances coloniales sur la côte; sur les débuts de la colonisation avec l’installation des premiers comptoirs notamment sous le règne du roi Peter ou encore sur le contrôle du négoce colonial par les N’zima alors qualifiés «  d’intraitables négociants ».

Les auteurs couvriront également la formation de l'ancienne colonie de la Côte d’Ivoire qui se traduit par une disqualification de la chefferie traditionnelle, la mise en place de l’organisation coloniale appuyée par des auxiliaires dits «indigènes».
Enfin, les auteurs nous parleront également du rôle de la civilisation N’zima sur le développement de Grand-Bassam puis de l’essor de la capitale à l’époque coloniale. 




L’histoire du peuple N’zima a été retracée, au-delà des sources orales, par des documents écrits incontestables tels que des traités, rapports des autorités administratives, différents accords, journaux de bord d’explorateurs portugais, français, anglais, hollandais , des lettres ou encore des études réalisées par des anthropologue tel que Maurice Delafosse. On retrouve des extraits de ces documents ou leur totalité dans leur version originale bien souvent suivie de leur déchiffrage qui se traduit par une version dactylographiée plus lisible. La diversité des sources est remarquables.

On retrouve également des portraits d'hommes et de femmes illustres qui ont marqué l’histoire de la ville, des  cartes postales , des plans, des informations sur les vagues successives d'immigration, qui ont, très tôt, fait de Grand-Bassam une ville cosmopolite. Il y a également des informations sur  l’histoire et l’origine des propriétaires de chacun des bâtiments qui sont présents dans la ville historique classée au Patrimoine Mondial matériel de l'Unesco. Certains ont été reconvertis: le marché aux légume est devenu la bibliothèque municipale, le bâtiment des  douanes et postes est devenu la maison du patrimoine culturel; certains abritent vendeurs ou restaurants, d’autres sont dans un état de délabrement tel qu’il est urgent que l’on fasse quelque chose ( Premier palais de justice de Cote d'Ivoire).

Ainsi au-delà de l’histoire des N’zima, c’est l’histoire de Grand-Bassam, première capitale de la Côte d’Ivoire que l’on découvre également à travers cet ouvrage.

Ce livre est également une invitation aux jeunes chercheurs, à s'inscrire dans la même dynamique en poursuivant et/ou en approfondissant ce travail de recherche majeur, venu combler un vide dans l'histoire des peuples qui ont constitué la Cote d'Ivoire.