30 août 2014

À la découverte du Kete...

« C’est nous qui avons créé cette danse. Mais nous avons arrêté de la pratiquer, c’est comme ça qu’on l’a oublié » ! C’est en ces termes que j’entendis parler du Kete pour la première fois, par un Nzema de Grand-Bassam.





Cet après-midi-là, mon oncle et moi, nous nous rendions à un rendez-vous dans le fond du village, non loin du Bouaké, le bois sacré des Nzema, lorsque des tam-tams se mirent à résonner dans le quartier France de Grand-Bassam, perturbant le calme de cette partie de la ville, d’ordinaire si paisible. Je m’interrogeai alors  sur la provenance de la musique et les raisons pour lesquelles nous l’entendions à ce moment précis. Est-ce qu’il s’agissait d’une fête ou d’une répétition pour une cérémonie spéciale ?
Je n’eus pas le temps de poser de questions que mon oncle me demanda :
 « -Tu entends les tam-tams là, tu sais ce que c’est ? 
-Non, c’est quoi ?
- Après on va aller voir »…
Ainsi, juste après notre rendez-vous, nous nous sommes précipités vers le bâtiment d’où les tam-tams résonnaient... Il y avait beaucoup d’agitation. À l’entrée de l’immeuble, des enfants allaient et venaient dans les escaliers et se bousculaient. Lorsque nous sommes arrivés au dernier étage, nous les avons trouvé beaucoup plus calmes et attentifs face à ce qui se déroulait : la leçon de Kete.





Une danse Akan

Sewa, Kwamé et Isaac, trois jeunes ghanéens,  sont tous les trois originaires du village Ashanti de Aweman Kofidua et travaillent pour la compagnie ghanéenne : amamereso, connue pour ses chorales.
Ils ont été invités, à la demande du roi de Grand-Bassam qui souhaite que les jeunes du village puissent le danser lors de grandes cérémonies.
Le Kete serait une danse royale pratiquée par l’ensemble des sous-groupes du peuple Akan lors de cérémonies importantes telles qu'une intronisation, des funérailles...

Sewa, la seule femme du groupe, danse le Kete depuis plus de dix-neuf ans. Accompagnée de Kwamé et Isaac, elle aurait été dans de nombreux pays, notamment le Nigeria, l'Éthiopie et la Sierra Leone pour l'enseigner. Elle m’explique que c’est la deuxième fois qu’ils viennent en Côte d'Ivoire. Lors de leur première visite, l’an dernier, ils ont appris aux jeunes à jouer au ‘Drum Adowa’ l’ensemble des quatre  tam-tams; à savoir le kodum, l’apentema, le petia et l’abrukuwa ; les « tam-tams traditionnels qu’on utilise pour le roi seulement ». Cette fois-ci, ils sont en Côte d’Ivoire, pour deux semaines, uniquement pour apprendre aux jeunes à danser.


Les tam-tams du Kete

Les tam-tams de l'Adowa 


Une origine incertaine …

Lorsque je les interroge sur l’origine du Kete, Sewa m’explique qu’il s’agit d’une danse qui parle d’amitié. Je lui demande alors s’il pourrait s’agir d’amitié entre un homme et une femme, d’une relation. Elle me répond que oui.

Isaac quant à lui, me donne une toute autre explication. Il me parle d’une guerre qui aurait eu lieu à un moment indéterminé. Pour célébrer leur victoire, les vainqueurs auraient créer le Kete. Les tam-tam rouges et noirs symboliseraient cela. Le rouge représenterait le sang et le noir, la couleur de la peau noire.
Les autres tam-tams de couleur marron, auraient été créés pour danser l’Adowa, similaire au Kete, à la seule différence qu’elle est dansée avec des mouchoirs dans les mains.
Le Kete symboliserait la victoire; l’Adowa, l’union.

Nous pourrions donc conclure que l’origine du Kete semble incertaine…. De plus, selon que l’on parle à un Ashanti tels que nos trois jeunes ghanéens ou un Nzema, chacun s’attribue la paternité de la danse. Mais une chose est certaine, ce sont les Ghanéens qui semblent l’avoir perpétué!



Sous l'oeil attentif de Sewa

…Qui relèverait du mythe

Sur la pochette de l’album Asante Kete drumming : music of Ghana, produit et enregistré par l’ethnomusicologue Joe Kaminski, l’origine suivante nous est proposée « l’Asante Kete drumming est un ancien genre musical Ouest Africain. Selon la légende, le Kete aurait été créé par des êtres surnaturels de la forêt. En réalité, il est probable qu’il provienne d’un ancien royaume soudanique. Au XVIII et le XIX, les Ashantis obtinrent le pouvoir militaire, c’est durant cette période qu’ils acquirent le Kete chez un peuple conquis. Les tambours du Kete accompagnaient les soldats à la bataille, étaient utilisés lors de cérémonie aux cours royales telles que des visites d’État, des exécutions, des funérailles et des inspections de mausolées royaux. Aujourd’hui, le Kete est joué lors de funérailles et est accessible au public pour danser afin de célébrer l’entrée d’une âme, de ceux qui ne sont plus parmi nous, dans le paradis des ancêtres… » [1]

Je suis allée assister au cours, deux jours d'affilé...



Une des choses qui m’a également frappée est la difficulté du groupe, à communiquer.
J’avais justement demandé à Sewa, le premier jour, comment le groupe avait réussi à gérer cette barrière. Elle me disait que c’était très difficile. Certains jours, un habitant du village qui parlait Twi, français et Nzema, venait assister aux cours et les aidait à communiquer. Les autres jours, ils se débrouillaient. 
Mais cette personne servait aussi de ce qu’on pourrait qualifier de modérateur, car il y avait de nombreuses petites tension, notamment en raison de la barrière de la langue. Les gestes des profs étaient parfois mal interprétés, les élèves se vexaient et refusaient parfois de danser... pendant quelques minutes seulement, avant de reprendre le cours en boudant un peu.


Petite mise au point - difficile de se faire comprendre


Le second jour, mon oncle qui, lui aussi, parle les trois langues, a reproché à une des élèves de ne pas écouter les consignes des ‘profs’, elle lui a répondu : « Je ne comprends pas leur Apolo ghanéen là ».

Mais mis à part ces petites tensions que l’on pourrait retrouver au sein de n’importe quel groupe de jeunes, les cours se terminaient bien souvent par un moment d’ « apothéose » durant lequel, tout le monde faisait un peu n’importe quoi, on oublie le Kete ou l'Adowa, on danse, tout simplement !


Fin du cours, moment de détente
Avec Isaac, Sewa et Kwamé, les profs.


La vue depuis le bâtiment - Immeuble Ganamet