Bell Hooks, de son véritable
nom : Glora Jean Watkins est une intellectuelle , activiste féministe et auteure
prolifique, qui a de nombreux romans, essais et livres pour la jeunesse à son
actif.
Pendant ses études, elle constate l'absence de
discussions ou travaux sur la contribution des femmes noires à la société
américaine ; au mouvement féministe notamment. Selon elle, les femmes noires et
leur expérience singulière aux États-Unis ont été oubliées ou tout simplement
volontairement ignorées. Pour pallier ce désintérêt, elle décide de raconter
l'histoire de ces femmes. La nécessité de cette entreprise lui sera confirmée
par l'attitude de son entourage. Lorsqu'elle mentionne son idée de livre, lors
d'un dîner entre amis, l'un d'eux, pris d'un fou rire lui répondra " What
is there to say about black women?". D'autres amis présents éclatèrent de
rire à leur tour.
Sa réponse se trouve
dans Ain't I a women.
Dans cet essai qui se
décline en cinq grands chapitres, Bell Hooks nous raconte l'expérience
singulière des femmes noires des États-Unis. Depuis l'esclavage jusqu'aux années
1980, période où elle publie ce livre. En effet, pour expliquer le désintérêt
pour l'histoire de l'américaine noire et sa dépréciation, il a fallu remonter
aux sources des processus, violences, mythes et manipulations dont elle a fait
l'objet au cours de l'histoire.
De nombreux
intellectuels sexistes ont, des années
durant, minimisés l'impact de l'esclavage sur les femmes, en affirmant que les
hommes, victimes de racisme et atteint dans leur virilité, étaient ceux qui en
avait le plus souffert. L'auteure, au travers de ses recherches , montrera que,
les femmes noires, ont non seulement souffert de racisme mais également de sexisme. Ses deux formes
d'oppression combinées , institutionnalisées à travers le patriarcat; ont eu un
impact inimaginable sur l'histoire de la femme noire aux États-Unis.
On réalise dès les premières lignes que si les
esclaves, tout sexe confondu, ont vécu, enduré et surmonté des choses qui
dépassent notre entendement aujourd'hui; la détresse des femmes a été aggravée
par l'oppression sexiste, l'exploitation sexuelle, la masculinisation et la
manipulation dont elles ont fait l'objet ; qui ont finit par les déshumaniser.
En effet, déjà sur les
négriers qui les transportaient de l'autre côté de l'Atlantique ; les colons ,
s'attelaient , le long de la traversée à utiliser différentes méthodes pour
détruire la fierté, l'arrogance, l'esprit de liberté et la dignité des
esclaves. La méthode de "prédilection" qui sera utilisé sur les
femmes pour les rendre plus dociles sera le viol.
Ainsi, depuis les
bateaux, jusqu'aux plantations; le viol des femmes noires sera une
"méthode institutionnalisée", courante, banale à tel point que pour
éviter le mot "rape"(viol), on parlera des victimes comme des
prostituées et par extension de toutes les esclaves comme telles. L'emploi de
ce terme aura un véritable impact sur la perception des femmes noires qui se
perpétuera par la suite dans l'histoire, jusqu'à nos jours.
De plus, sous l'ère
victorienne, caractérisée par un puritanisme à toute épreuve, on martèle
pendant les cours de religion que la femme noire est l'incarnation de
l'immoralité sexuelle "sauvage" , la dépravation
"diabolique". C'est la naissance du premier cliché et mythe sur
celle-ci, qui traversera l'histoire, sera adopté par les hommes noirs qui ,
libérés, embrassent à leur tour le système patriarcal...
Il s'agira là du
premier d'une longue série de clichés et mythes, construits de toutes pièces
sur la femmes noire, revisités par les médias, les expressions culturels (
théâtres...). Ils traverseront le temps, l'espace ; pour affecter de manière
insidieuse les consciences, d'aujourd'hui; et ce que l'on soit américain ou
pas.
Après la traversée, la
vulnérabilité des femmes noires, sera aggravée par le fait qu'un grand nombre
d'entre elle travaillera dans les maisons, au plus près des maîtres. Les viols
continueront et les femmes des maîtres accuseront et feront payer les "prostituées"
plutôt que leurs maris. Ce sera le début de l'antagonisme entre femmes noires
et femmes blanches qui les empêcheront , de se réunir, plus tard; sous la
bannière du féminisme. Cet antagonisme; sera aggravé par l'envie-mépris que les
femmes noires éprouvent envers les femmes blanches. En effet, ces dernières
sont érigées par les enseignements de l'époque, comme le modèle de pureté et de
féminité par excellence. On renie alors aux femmes noires leur féminité; elles,
qui sont également nombreuses dans les plantations; portant des pantalons et
effectuant des tâches d'hommes.
Ainsi, Bell Hooks examinera l'impact du sexisme sur les femmes noires durant l'esclavage,
la dévaluation perpétuelle ces dernières dans l'histoire américaine,
l'impérialisme du système patriarcal qui a ,dans une certaine mesure, réussi à
absorber les hommes noirs qu'il oppressait autrefois (ces dernier pratiqueront l'oppression
sexiste à leur tour) et bien d'autres sujets...
Enfin l'auteure aborde la question du
féminisme ; notamment l'émergence du Black Feminism, né de la nécessité pour la femme noire, muselées par les féministes blanches, de pouvoir exprimer des revendications propres à leur expérience. Sa naissance coïncide avec celle du mouvement pour les droits civiques. Ainsi la question du sexisme mais également du racisme sera au centre des préoccupation et des textes fondateurs du mouvement.
Au delà de la question
de l'histoire de la femme noire, cet essai est un véritable voyage dans
l'histoire des États-Unis et dans la mentalité du WASP qui domine le monde,
crée de toutes pièces des mythes et hiérarchie, qu'il bouleverse lorsqu'elles
ne servent plus ses intérêts comme il le voudrait...
L'auteure aborde également des sujets connexes telles que les problèmes entre afro-américain et afro-américaines notamment au sein des couples à cause des mythes et clichés. Elle aborde également la différente perception des couples mixtes :
noirs/blanches vs blancs/noirs et bien d'autres sujets de ce type...
Son travail de
recherche est impressionnant. Pratiquement chaque page est ponctuée d'extraits
d'articles de journaux, discours, études, réflexions, pièces de théâtre,
publicité pour assoir les mythes qui datent parfois du 19ème siècle...
Enfin, Bell Hooks rend hommage
aux femme qui ont marqué le Black Feminism par leurs actions, écrits et
réflexions. Elle rend un hommage particulier à la remarquable Sojourner Truth,
ancienne esclave émancipée, qui en 1852 prononcera son célèbre discours :
" Ain't I a woman ?"
Pour lire ce discours : http://womenshistory.about.com/od/sojournertruth/a/aint_i_a_woman.htm
Très bel article Affoh. C'est effectivement un sujet qui s'impose a nous par la force des choses, n'est ce pas? Le mouvement black feminism, à mon avis, est encore très mal connu en Afrique. Je penses qu'on a besoin de femmes activiste (à l'image de Bell Hooks) qui sont prêtes a bousculer les schémas traditionnels et patriarcales de pensés qui, sévissent encore aujourd'hui, sur le développement et de l'épanouissement des femmes africaines. Nous sommes dans une position paradoxale dans laquelle nous sommes doublement opprimées: par le système international qui ignore les besoins des femmes africaines et par nos gouvernements même. D'autre part, tu as bien souligner la sub-division du mouvement féministe aux E-U entre les femmes blanches d'une part et les femmes noires de l'autre. Cette sub-division sévit aussi entre les femmes du tiers-monde et les femmes des pays plus avancés. Les revendications ne sont fondamentalement différentes, à mon avis. cette différence est au détriment des femmes africaines qui ont une voix moins médiatisée, et qui malheureusement voient leur besoins ignorées par la communauté international. Je m'arrêtes là, mais merci d'offrir une tribune de discussion autour de l'idée de la promotion du droits des femmes en Afrique.
RépondreSupprimerDefinitely going to read this one Affoh. Thanks a lot !
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