23 oct. 2012

The no.1 Ladies' Detective Agency - Alexander McCall Smith


Il y a quelques années déjà (le temps passe tellement vite!), mon père est venu passer quelques jours à Montréal , pour célébrer avec nous, les dix-huit ans de ma petite sœur Assamah ( elle fête aujourd'hui ses 21ans d'ailleurs :-)!). Il passait la plupart de son temps dans les nombreuses librairies de la ville. C'est dans l'une d'elles, qu'il est tombé sur The no.1 Ladies' detective agency, qu'il m'a offert pour que je pratique mon anglais .

J'appréhendais un peu car je l'avais trouvé épais, chose qui ne m'effraie pas quand il s'agit de livres en français. Mais la couverture m'avait intrigué en raison de ses couleurs vives et de la bonne humeur qu'elle dégageait. De plus, au dos du roman il était écrit : "more than 7 million devoted readers have discovered Precious Ramotswe and the no.1 ladies' detective agency". J'ai donc été convaincue et je me suis dit qu'il valait sûrement le détour.

J'ai voulu le relire ce mois-ci car c'était un livre passionnant et drôle.

Mma Ramotswe est une femme à laquelle le lecteur s'attachera tout de suite: sympathique, courageuse, persévérante, intelligente , militante parfois , ayant la force de relativiser et d'apprendre de ses erreurs. Elle réussira à surmonter toutes les difficultés de la vie mais également celles des cas auxquelles elle sera confrontée. C'est une femme qui s'assume également car elle est ronde et en fière même si cela lui vaut parfois des commentaires malveillant.

Elle ouvre cette agence car elle aime tant l'Afrique , particulièrement ses compatriotes botswanais, qu'elle estime qu'il est de son devoir de pouvoir les aider. De plus, selon elle,  un bon détective privé n'a besoin que d'intuition et d'intelligence, choses qu'elle  possède depuis sa plus tendre enfance. Je tiens à préciser qu'elle n'est pas prétentieuse ,bien au contraire , pleine d'humilité car elle sait se remettre en question. Elle a simplement un sens du devoir et du dévouement tel, qu'elle décide de se mettre aux services de ses compatriotes.

Le lecteur plonge alors dans le quotidien des botswanais et leurs lots de problèmes  :vols, arnaques, disparitions, adultères et bien d'autres; dépassant  même parfois les frontières de l'Afrique du Sud, pour affecter leur quotidien dans la capitale Gaborone. En plus de ces maux que le monde entier connait, il y a également des maux plus spécifique aux sociétés adeptes de pratiques occultes comme la sorcellerie et autre : Mma Ramotswe sera alors confrontée à des cas mystiques.

Elle résout chacun de ses cas avec intelligence, ruse, recourant parfois à ce que l'on pourrait appeler de mauvaises blagues qui amuseront certainement le lecteur. Plus surprenant encore, en "bonne chrétienne", elle tente de s'inspirer de personnages de la Bible en se demandant par exemple : " What Salomon would have done? ".p11 



Bien qu'étant écossais d'origine, l'auteur, est né et a grandi en Rodhésie du Sud ( actuel Zimbabwé). Il semble connaître les sociétés africaines et les voir , telles qu'elles sont, lui permettant ainsi d'éviter de tomber dans les clichés et le côté folklorique auxquels nos sociétés et leurs pratiques pourraient être rattachées, d'un point de vue occidental. Il m'arrivait même parfois d'oublier qu'il s'agissait d'un européen qui avait écrit cette histoire, car il semble réellement connaître les africains, leurs croyances et leurs mentalités...

Il semble également maîtriser la psychologie féminine notamment en ce qui concerne les hommes, je me suis retrouvée dans de nombreux propos et pensées de Mma Ramotswe ,concernant ces derniers .J'en oubliais également que l'auteur était un homme.

Ce roman est également, une tribune qu'utilise Alexander McCall Smith pour rendre hommage aux mineurs, notamment à travers l'histoire du père de Mma Ramotswe . "His life was unrecorded, who is there to write down the lives of ordinary people ?" p15

On apprend que , comme de nombreux hommes d'Afrique Australe, ce dernier travaillait dans les mines sud-africaines . L'auteur nous parlera du recrutement aléatoire de ses mineurs, très jeunes pour la plupart, de leurs entrainements sommaires , des conditions de travail inhumaines mais également des mauvais traitements que ces derniers subiront , et qui, étonnement, ne viendront pas uniquement de la part des "White miner". C'est la partie du roman la plus émouvante selon moi car l'on réalise la difficulté de ce travail, la difficulté d'être , loin de leur famille et de leur pays d'origine pour certains.  On réalise également que les mines les tuent à petit feu : quand ce ne sont pas des accidents qui les emportent, ce sont les maladies reliées a ce travail. Je n'ai pu m'empêcher de penser aux 33 mineurs chiliens emprisonnés durant 24 heures dans leur mine et plus récemment encore, au massacre de Marikana en Afrique du Sud.  Comme le dit si bien les paroles d'une chanson rapportées par l'auteur : " The mines eat men. Even when you have left them, the mines may still be eating you".

À travers ce roman, je me suis également rendue compte de l'importance des troupeaux dans la culture botswanaise. Les personnes les plus riches sont celles qui possèdent les plus grands troupeaux, ceux qui n'en ont pas, sont considérés comme démunies : "As without your cattle your were naked".p5 . L'importance des troupeaux est telle que selon la tradition orale, le paradis en serait même rempli :" We have a story in Botswana about two children, a brother and sister, who are taken up to heaven by a whirlwind and find that heaven is full of beautifull white cattle"p18.

Je n'ai pu m'empêcher de comparer cette région de l'Afrique à la mienne et y repérer quelques différences et similitudes. Lorsque quelqu'un toque à l'entrée d'une maison avant d'y entrer : elle dit "Ko Ko" comme chez nous même, si nous le disons plutôt 3 fois " Ko ko ko".   En Côte-d'Ivoire les libanais détenaient d'abord de nombreux petits commerces avant de devenir des acteurs clés de notre économie, il en est de même au Botswana avec les indiens, d'après ce que j'ai compris. Enfin, il y a aussi, comme chez nous, les incontournables croyances en la sorcellerie qui arrivent aujourd'hui à cohabiter avec la modernité mais également les différentes religions, créant ainsi un véritable syncrétisme religieux.

Mma Ramotswe et son père sont des personnages qui toucheront le lecteur. Malgré les difficultés, ils arriveront à relativiser, à apprécier les choses simples, les petits plaisirs de la vie et à se focaliser sur les choses positives. Leurs pensées sur certains sujets feront sourire le lecteur comme lorsque le père parle des "white miner" qui ressemblent à des fantômes ou encore lorsque Mma Ramotswe fait ses courses, porte ses paquets toute seule et regrette ,à ce moment précis, de ne pas avoir de copain. Je dois avouer qu'à chaque fois que je sors d'un magasin et que je dois porter des paquets trop lourds, je me dis exactement la même chose.

Ils sont également tous  les deux amoureux de l'Afrique et plus particulièrement du Botswana dont ils sont fiers d'être issu. Leur patriotisme et fierté frôle même le chauvinisme mais on peut tout de même les comprendre car comme il est écrit dans le roman : " There's no other country in Africa that can hold its head up as we can. We have no political prisoners, and never have had any. We have democracy. We have been careful. The Bank of Botswana is full of money, from our diamonds. We owe nothing "p.20. Il est vrai que le Botswana est souvent érigé en exemple en matière de démocratie et de la lutte contre la corruption . Il est de loin, le pays le moins corrompu en Afrique. Je me demande si la fierté éprouvé  par les deux personnages n'est pas également partagé par l'auteur (pourquoi?) qui défend si bien les couleurs de ce pays.

En conclusion je pourrais dire que ce premier tome de The no 1 ladies'dective agency qui se décline en 10 romans au total est un véritable voyage à travers l'histoire , la culture et le quotidien des botswanais et plus largement des africains en général. C'est un véritable régal pour les amoureux de lectures, d'Afrique et de voyages. Mais pour ceux qui lisent moins, le roman a été adapté en séries. Mma Ramotswe est incarnée par la chanteuse américaine Jill Scott et la série est géniale elle-aussi !

Mon passage préféré : lorsque l'un des personnages apprend qu'il va mourir, il nous dit ceci : " Some people cannot bear news like that. They think they must live forever, and they cry and wail when they realise that their time is coming. I do not feel that, and I did not weep at that news which the doctor gave me. The only thing that makes me sad is that I shall be leaving Africa when I die. I love Africa, which is my mother and my father. When I am dead, I shall miss the smell of Africa, because they say that where you go, wherever that may be, there is no smell, no taste". 
p17, Anchor Books



PS: Joyeux anniversaire Assamah

14 oct. 2012

Champs de bataille et d'amour - Véronique Tadjo


Lorsque je flâne dans une librairie ou une bibliothèque, les romans ayant des titres relatifs à des histoires d'amour ne m'attirent JAMAIS. Je préfère regarder les dimanches soirs, des films à l'eau de rose qui me mettent du baume au cœur afin de pouvoir affronter la dure semaine qui m'attend.

Je vous dit cela car j'ai fait une exception. Et oui ! Cet été, en fouinant dans les livres de mon défunt grand-père paternel, je suis tombé sur Champs de bataille et d'amour de Véronique Tadjo. Une auteure qui m'est familière pour avoir lu Le grain de maïs magique, Mamy wata et le monstre et Grand-mère Nanan, dédiés aux enfants. C'était donc l'occasion pour moi de découvrir un de ses romans.

Toutefois, j'avoue avoir été surprise de voir celui-ci dans la bibliothèque de mon grand-père. Je pensais (peut-être à tort) que les hommes s'intéressaient peu à ce genre . De plus, le fait qu'il ne fasse pas partie de la catégorie de livres que ce dernier, amoureux de l'Afrique, de son histoire et de son art, lisait , m'a intriguée. J'ai tant bien que mal essayé de trouver les raisons qui auraient pu le motiver mais en vain. Est-ce parce que le livre parle d'un couple mixte comme le sien ? Est-ce ma grand-mère ou l'un de mes oncles qui l'aurait lu ? Quoique je verrais mal ces derniers lire une telle histoire...

Bref, ce roman méritait mon attention après toutes ces questions. Je me suis donc résolue à le lire à mon tour.

Champs de bataille et d'amour , comme son titre l'indique, nous parle d'une histoire d'amour entre deux personnes que tout oppose : il est noir, a grandi en Afrique ; elle est blanche , à grandi en Europe. Après une rencontre incongrue, dans un contexte morbide et ils ne se quittent plus. 

C'est l'histoire d'Éloka et Aimée. Un coup de foudre !

Au début, leur amour est "frais", comme la rosée du matin et plus fort que tout. Ils n'ont plus peur de rien, se sentent la force de pouvoir tout  affronter quand ils sont ensemble car il n'y a que cela qui compte. Aimée , décide alors de suivre Éloka, de rentrer avec celui-ci dans son pays natal,  pour s'y installer et partager sa vie pour toujours. "Ensemble , ils décident d'affronter le désert de solitude pour ne faire qu'un...."Leur amour est alors comme le "Midi" , pétillant, rayonnant, éblouissant !

Survient alors l'ennemi de tous les couples : le Temps : "Mais il  (Éloka) savait trop bien que l'amour suivait toujours les mêmes chemins et que tôt ou tard, ce serait le temps qui imposerait sa loi. Pour le meilleur ou pour le pire".

Lorsque que le temps du Temps arrive, leur Amour prend alors une toute autre tournure, la solitude s'installe. Bien qu'ils soient ensemble,  Ils se sentent finalement seuls, chacun affrontant ses démons de son côté.  De plus ,leur environnement leur rappelle sans cesse que leur amour "fane" et la solitude les ronge de plus en plus. Le flamboyant rouge du jardin, n'a lui même pas survécu au temps : il est tombé lors d'une tempête; comme leur amour est lui-même tombé... Après la tempête, la passion des débuts...

Enfin, chacun tente de s'évader de cette commune solitude, en essayant de briser la routine. L'un des personnages ira plus loin que l'autre, risquant ainsi de bouleverser leur équilibre précaire.

Ce roman a suscité de nombreuses questions en moi. La citation "anonyme" : "One of the hardest parts of life is deciding whether to walk away or try harder" revenait sans cesse et je me suis demandé ce que j'aurais fait si j'avais été dans la situation d'Aimée.



Ce un roman diffère de ceux que j'ai l'habitude de lire. J'avais déjà beaucoup d'appréhension en l'ouvrant et je dois dire qu'il m'a mis mal à  l'aise tant l'auteure arrive à  transmettre au lecteur, la souffrance, la douleur et le combat solitaire des deux personnages à travers le récit de leurs pérégrinations intérieures; marquées par les souvenirs d'un passé joyeux, le vécu d'un présent amer et les questionnements d'un futur incertain.  Le lecteur n'est pas transporté dans la vie des personnages à travers la narration de leurs faits et gestes mais plutôt dans leurs pensées quotidiennes, leurs combats intérieurs, solitaires. L'incertitude de leur amour plane sur fond de déliquescence ambiante : la maison et les meubles se dégradent, la ville elle-même se dégrade, le Rwanda est en pleine guerre civile. Les atrocités qui y sont commises durant le génocide, sont dénoncées , à travers les pensées des personnages et un poème. Il semble que le passé tragique de ce pays , soit un sujet important pour l'auteure, comme en témoigne  un autre de ses écrits : L'ombre d'Imana : voyage jusqu'au bout du Rwanda.

La particularité du texte, réside dans le fait que ce sont les pensées des personnages qui font l'histoire de ce roman. Des pensées entrecoupées de retour à la réalité, de résurgences de souvenirs.

Le début du roman m'a également marqué car la situation d'Éloka coincidait ( drôlement) avec la mienne. Nous étions tous les deux en train de voyager dans un bus. Juste avant de l'ouvrir, j 'étais comme Éloka, en train de regarder défiler les paysages et je pensais à la routine montréalaise que je laissais derrière moi pour Toronto, où une certaine solitude m'attendait.

La fin d'un passage, écœurant mais très bien écrit, sur la mort et la peur de celle-ci :  "Voici venue la saison du deuil et du souvenir alourdi par le poids de l'absence. La colère s'infiltre. La nausée restera. Protestations inutiles contre une mort annoncée. Œsophage en feu, ventre en ébullition, surface de la peau purulente où s'installe la douleur. Le monde se ferme, éjecté. La lente agonie vers le fond de la terre. Grouillement des feux follets dans une obscurité permanente. Et dire qu'il y a quelques années encore, nous rêvions d'être immortels
p58/59, Présence Africaine.