Ce recueil de nouvelles , nous
emporte au cœur d'un Nigéria vivant, plein de contradictions où les innocents
ne tardent pas à devenir des criminels, où la modernité et la tradition s'entrechoquent,
où les extrémismes s'enflamment, où la
misère côtoie le luxe , où d'un moment à
l'autre tout peut basculer sans coup férir.
À travers les onze nouvelles du
recueil, Sefi Atta se fait chroniqueuse du quotidien des nigérians de Lagos et
d'ailleurs. Il y a le carrossier visité par des foules à cause d'une prétendue
apparition de la Vierge Marie sur un pare-brise, la femme adultère qui sera
lapidée, la petite fille intransigeante au cerveau formaté par le poids de son
environnement, la bande d'artiste qui se transforme en "desperados",
la jeune étudiante qui travaille au noir à Londres et bien d'autres...
Chacune des histoires nous est
racontée avec humour et froideur. Comme "Virée au crépuscule", où un
jeune Nigérian remonte vers le Nord avec un groupe de migrants clandestins en
direction de l'Europe. En chemin il rencontre Patience, une "va bene"
(prostituée) attachante de Bamako, qui
brandit sa Bible, à chaque fois qu'elle en a l'occasion. Il décide de la
protéger jusqu'à ce que celle-ci lui fasse un coup aussi surprenant qu'inattendu.
On se surprend à rire de ces retournements tragiques et déboires des
personnages.
Nouvelles du pays est une galerie de portraits de femmes qui refusent de battre en retraite devant leurs craintes. Des femmes
pleines de vitalité qui se battent contre elle-même , leur entourage , la
société. Elles tentent de se soustraire de leurs difficultés
par divers moyens : le sexe, la drogue, la religion, la fuite vers l'occident
ou tout simplement en s'accrochant à de modestes rêves. Ainsi c'est tout autant
de thème que l'auteure aborde avec réalisme et humour; nous permettant
d'encaisser ces histoires bouleversantes
où le désir de s'en sortir à tout prix peut pousser à commettre l'irréparable.
Les problèmes politiques du Nigéria ne sont pas en reste, elle aborde des questions telles que le mépris des multinationales pétrolières pour les populations locales, les conflits inter-religieux qui embrasent le Nigéria, la responsabilité des journalistes, le militantisme...
À travers ces nouvelles, c'est
également l'image d'une Afrique partagée entre misère et exploitation
économique, entre attachement à ses racines et regard vers l'Occident, entre
fanatisme religieux et modernisation des pratiques, entre retard de développement
et maîtrise d'internet et des réseaux sociaux où sévissent les yahoo yahoo boys
(Arnaqueurs)... que nous dépeint Sefi Atta.
Comme à l'image de ce continent aux diverses aspérités, le lecteur oscille
entre joie, amertume; rire et peine.
Les chutes sont
surprenantes, imprévisibles et ambiguës. Le lecteur a une impression d'inachevée qui soulèvent des pistes de réflexion et laisse libre cours à notre imagination.
Les dialogues rythment les récits et
permettent de cerner rapidement les personnages.
La langue de l'auteure est vive et décalée. Il s'agit d'une traduction mais il semble que Charlotte Wolliez ait réussi à faire ressortir toutes les nuances de l'oeuvre originale. On ressent le désarroi des
clandestins, l'hypocrisie des collègues de travail, la froideur du bureau
américain qui distribue les cartes vertes, la tension et l'indécision avant les
attaques...
Sefi Atta est née à Lagos en 1964. Elle a étudié au Nigéria, en Angleterre et aux États-Unis. Elle vit dans le Mississipi depuis une quinzaine
d'année. C'est une romancière, nouvelliste et dramaturge. Elle a reçu en 2006 le prix Wole Soyinka pour son premier roman Le meilleur reste à venir (Everything good
will come) (2005). Avec Nouvelles du pays ( News from home)
(2009), elle a été la dernière lauréate du prix Noma, prix reçu par Mariama Bâ en 1980 pour son roman: Une Si Longue
Lettre.
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