Une chose dont je suis certaine : après avoir lu ce bouquin, je ne regarderai certainement plus les vigiles de la même façon. Je me demanderai souvent si un Gauz se cache en eux. Ou pire vous me direz, je les ‘verrai’ peut-être un peu plus.
Dans Debout-payé, celui qui s’est rebaptisé Gauz nous parle d’Ossiri, vigile ivoirien vivant en France, plus précisément à Paris. À travers lui, c’est toute l’histoire de la profession, du processus de recrutement en passant par les ‘circuits’ d’embauche, le jargon ou encore son évolution qui nous sera racontée.
Les vigiles, ce sont ces ‘invisibles’ qui sont pourtant partout. Ici, sous nos tropiques, à Abidjan notamment, ils sont souvent habillés en t-shirt jaune, estampillé du nom de la société de gardiennage qui les emploie. En tout cas, pour les plus visibles d’entre eux. On les aperçoit, le plus souvent assis à l’entrée des entreprises qui les emploient. Lorsqu’une personne, un client ou un employé arrive, ils se lèvent pour leur ouvrir la porte. On les aperçoit également à travers les guérites des villas cossues de la ville, où ils sont également assis la plupart du temps, voire couchés en train de somnoler jusqu’à ce qu’une sonnerie retentisse et qu’ils soient obligés de se lever péniblement pour vérifier l’identité de celui qui souhaite entrer.
En France, à Paris, le métier de vigile est tout autre. On les retrouve principalement dans des magasins, les grands magasins surtout. La façon de se vêtir dépend de l'enseigne où on travaille, selon qu’elle soit huppée ou un peu moins. Et puis en France, bien souvent, les Africains qui se retrouvent à exercer ce type de métier le doivent à leur réseau, l'urgence de trouver rapidement ‘quelque chose’ pour (sur)vivre ou encore au problème d’équivalence que posent leurs diplômes obtenus à l’étranger. Et oui!
Mais une chose est certaine, les vigiles de France, à l’inverse de ceux d’ici, ont une chose en commun : ce sont des Debout-payé autrement dit ceux qui sont payés pour rester debout.
Ainsi, dans Debout-payé la ‘condition de vigile’ en France est dévoilée.
C’est à travers la vie d’Ossiri, jeune ivoirien instruit, avec une situation stable en Côte d’Ivoire qui décidera pourtant d’aller ‘se chercher’ en France que Gauz nous entrainera dans le quotidien de ces invisibles. Ossiri se liera d’amitié avec le jeune Kassoum, lui aussi ivoirien et sans papiers, tout droit sorti du Colosse de Treichville, un ghetto d’Abidjan. Ils se retrouveront à faire le même métier de vigile.
Les chapitres racontant la vie d’Ossiri, ponctués d’incroyables digressions, sont souvent suivis de chapitres d’interludes aux titres savoureux dans lesquelles l’auteur nous raconte des anecdotes, analyses, questionnements, résultats des nombreuses heures que l’auteur a lui-même passé debout, alors qu’il était vigile. Le récit change alors de rythme, de type de narration. J'avais du mal au début avec les premiers chapitres d’interludes, car j'avais hâte de ‘rencontrer’ les personnages, connaître leur histoire. Mais j'ai fini par m'habituer à ces petites interruptions dans la narration pour apprécier la répartie et l’humour de l’auteur. Rien ni personne n’est épargné. On rigole. On s’arrête. On relit pour s’assurer qu’il a vraiment écrit cela. On appelle un proche qui sera réceptif pour lui en lire un passage. Ces chapitres d’interludes s’y prêtaient particulièrement bien.
Grâce à Ossiri, on découvre aussi un autre Paris. Le Paris africain à travers les yeux de ses sans-papiers, ses ‘étudiants’, leurs revendications et l’évolution’ de leur situation depuis les années 1960. L’auteur revisite de ‘grands évènements’ à travers le prisme de ses ‘invisibles’ de France pour nous offrir une histoire selon leur perspective. On voit comment changements politiques, bouleversement des perceptions à la suite d’évènements retentissants sur l’ensemble de la planète peuvent affecter leur quotidien en créant entre autres un sentiment d’insécurité plus important et une grande fébrilité dans les milieux que fréquentent ces personnes.
Au-delà de son style truculent, son humour percutant, sa capacité à revisiter certains adages, je retiens également les nombreuses ‘ivoirisations’ du langage. Je me suis sentie proche de l’auteur, car je comprends ses expressions, ses termes, ce qu'il insinue et surtout saisir de ‘petites choses’ qui parlent vraiment aux ivoiriens. Je dois dire que retrouver de telles références dans ce roman particulièrement intéressant, ont rendu sa lecture encore plus agréable.
Il y a tellement de choses à dire encore sur l'histoire, les personnages notamment la mère d’Ossiri, une véritable afrocentriste et les interrogations importantes que ses propos peuvent induire chez le lecteur ou encore les invitations à l'ouverture d’esprit et à la curiosité … mais je vais m’arrêter là.
Finalement comme l’a si bien dit Ossiri à Kassoum :
J'ai envie de dire que Gauz est meilleur que nous, pas parce qu’il a connu Paris, Abidjan et je ne sais encore quel autre endroit, mais plutôt parce qu'il a su savamment, avec ingéniosité et humour, concilier ses deux horizons, ses deux mondes et ses deux cultures pour nous offrir ce magnifique roman qui décrypte la société française, la société de consommation, à travers le regard affuté d'un ‘Debout-payé’ ivoirien.
Un roman audacieux, instructif. Un pari qui semble réussi pour l’auteur qui vient de se voir décerner le prix du meilleur premier roman français 2014 et le Prix des libraires Gibert Joseph 2014.
Dans Debout-payé, celui qui s’est rebaptisé Gauz nous parle d’Ossiri, vigile ivoirien vivant en France, plus précisément à Paris. À travers lui, c’est toute l’histoire de la profession, du processus de recrutement en passant par les ‘circuits’ d’embauche, le jargon ou encore son évolution qui nous sera racontée.
Les vigiles, ce sont ces ‘invisibles’ qui sont pourtant partout. Ici, sous nos tropiques, à Abidjan notamment, ils sont souvent habillés en t-shirt jaune, estampillé du nom de la société de gardiennage qui les emploie. En tout cas, pour les plus visibles d’entre eux. On les aperçoit, le plus souvent assis à l’entrée des entreprises qui les emploient. Lorsqu’une personne, un client ou un employé arrive, ils se lèvent pour leur ouvrir la porte. On les aperçoit également à travers les guérites des villas cossues de la ville, où ils sont également assis la plupart du temps, voire couchés en train de somnoler jusqu’à ce qu’une sonnerie retentisse et qu’ils soient obligés de se lever péniblement pour vérifier l’identité de celui qui souhaite entrer.
En France, à Paris, le métier de vigile est tout autre. On les retrouve principalement dans des magasins, les grands magasins surtout. La façon de se vêtir dépend de l'enseigne où on travaille, selon qu’elle soit huppée ou un peu moins. Et puis en France, bien souvent, les Africains qui se retrouvent à exercer ce type de métier le doivent à leur réseau, l'urgence de trouver rapidement ‘quelque chose’ pour (sur)vivre ou encore au problème d’équivalence que posent leurs diplômes obtenus à l’étranger. Et oui!
Mais une chose est certaine, les vigiles de France, à l’inverse de ceux d’ici, ont une chose en commun : ce sont des Debout-payé autrement dit ceux qui sont payés pour rester debout.
Ainsi, dans Debout-payé la ‘condition de vigile’ en France est dévoilée.
C’est à travers la vie d’Ossiri, jeune ivoirien instruit, avec une situation stable en Côte d’Ivoire qui décidera pourtant d’aller ‘se chercher’ en France que Gauz nous entrainera dans le quotidien de ces invisibles. Ossiri se liera d’amitié avec le jeune Kassoum, lui aussi ivoirien et sans papiers, tout droit sorti du Colosse de Treichville, un ghetto d’Abidjan. Ils se retrouveront à faire le même métier de vigile.
Les chapitres racontant la vie d’Ossiri, ponctués d’incroyables digressions, sont souvent suivis de chapitres d’interludes aux titres savoureux dans lesquelles l’auteur nous raconte des anecdotes, analyses, questionnements, résultats des nombreuses heures que l’auteur a lui-même passé debout, alors qu’il était vigile. Le récit change alors de rythme, de type de narration. J'avais du mal au début avec les premiers chapitres d’interludes, car j'avais hâte de ‘rencontrer’ les personnages, connaître leur histoire. Mais j'ai fini par m'habituer à ces petites interruptions dans la narration pour apprécier la répartie et l’humour de l’auteur. Rien ni personne n’est épargné. On rigole. On s’arrête. On relit pour s’assurer qu’il a vraiment écrit cela. On appelle un proche qui sera réceptif pour lui en lire un passage. Ces chapitres d’interludes s’y prêtaient particulièrement bien.
Grâce à Ossiri, on découvre aussi un autre Paris. Le Paris africain à travers les yeux de ses sans-papiers, ses ‘étudiants’, leurs revendications et l’évolution’ de leur situation depuis les années 1960. L’auteur revisite de ‘grands évènements’ à travers le prisme de ses ‘invisibles’ de France pour nous offrir une histoire selon leur perspective. On voit comment changements politiques, bouleversement des perceptions à la suite d’évènements retentissants sur l’ensemble de la planète peuvent affecter leur quotidien en créant entre autres un sentiment d’insécurité plus important et une grande fébrilité dans les milieux que fréquentent ces personnes.
Au-delà de son style truculent, son humour percutant, sa capacité à revisiter certains adages, je retiens également les nombreuses ‘ivoirisations’ du langage. Je me suis sentie proche de l’auteur, car je comprends ses expressions, ses termes, ce qu'il insinue et surtout saisir de ‘petites choses’ qui parlent vraiment aux ivoiriens. Je dois dire que retrouver de telles références dans ce roman particulièrement intéressant, ont rendu sa lecture encore plus agréable.
Il y a tellement de choses à dire encore sur l'histoire, les personnages notamment la mère d’Ossiri, une véritable afrocentriste et les interrogations importantes que ses propos peuvent induire chez le lecteur ou encore les invitations à l'ouverture d’esprit et à la curiosité … mais je vais m’arrêter là.
Finalement comme l’a si bien dit Ossiri à Kassoum :
« Kassoum, juste parce que tu es là, tu es un homme meilleur. Meilleur que les gens du Colosse parce qu'ils ne connaîtront jamais Paris. Meilleur que les gens de Paris parce qu'ils ne connaîtront jamais le Colosse». p154
J'ai envie de dire que Gauz est meilleur que nous, pas parce qu’il a connu Paris, Abidjan et je ne sais encore quel autre endroit, mais plutôt parce qu'il a su savamment, avec ingéniosité et humour, concilier ses deux horizons, ses deux mondes et ses deux cultures pour nous offrir ce magnifique roman qui décrypte la société française, la société de consommation, à travers le regard affuté d'un ‘Debout-payé’ ivoirien.
Un roman audacieux, instructif. Un pari qui semble réussi pour l’auteur qui vient de se voir décerner le prix du meilleur premier roman français 2014 et le Prix des libraires Gibert Joseph 2014.
Le nouvel Attila
Meilleur premier roman français 2014
Prix des libraires Gibert Joseph 2014
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