Premier roman ivoirien, paru en 1956, Climbié, signifie en
N'zima ( ethnie du grand groupe des Akans) : plus tard. Il s'agit d'un roman
autobiographique qui raconte le parcours du jeune Bernard Dadié depuis son
village natal, jusqu'à Grand-Bassam, première capitale de la Côte d'Ivoire, Bingerville seconde capitale du pays ; Gorée,
capitale de l'AOF, où se trouve l'école Normale Supérieure William Ponty et
enfin Abidjan.
Le roman se divise en deux parties et se déroule en pleine
période coloniale. Dans la première partie, nous suivons le parcours scolaire
du jeune garçon en Côte-d'Ivoire, jusqu'à son admission à William Ponty. Dans
la seconde nous le suivons à Dakar, où il vivra de nombreuses années avant son
retour en Côte-d'Ivoire, où il commence à militer au sein du RDA (Rassemblement
Démocratique Africain).
Dans la première partie, le lecteur constate très vite le
contraste entre la vie de Climbié au
village puis celle qu'il mènera dans les deux grandes villes du pays. En effet,
au village, il vit avec son oncle N'Dabian, , un planteur qu'il considère comme
son père. Il y reçoit une éducation traditionnelle faite de soirées à écouter
des contes et de journées passées au champ. C'est une période d'insouciance que
son oncle tentera de faire durer le plus longtemps possible jusqu'à ce que
Climbié soit obliger de le quitter pour aller à Grand-Bassam pour "l'école
des blancs".
Tous les enfants sont
obligés de fréquenter l'école de la République qui semble être est une machine
à commis, au service de l'administration française. Tout le monde rêve de devenir commis pour
travailler pour les Européens, gage de réussite. "Et chacun tenait à ce
que son enfant sortît commis. De là la désaffection pour les travaux de la
terre. Planter , s'aggriper au sol, refuser de se laisser déraciner et emporter
par la vague torrentielle des modes , refuser de se laisser ballotter par les
tourbillons de conceptions plus ou moins contradictoires, c'était hélas vouloir
rester "sauvage", tant les villes attiraient, fascinaient" p70.
Ainsi s'amorça l'exode rural, aggravé par les tributs trop lourd qui pesait sur
les villages et auxquels la population essaye de se soustraire en s'installant
en ville.
Dans la seconde partie du roman, à Gorée, Climbié sera
confronté à une autre réalité, plus difficile et déroutante encore. Mais
celle-ci sera déterminante pour la suite ,notamment pour son brillant parcours
politique mais également pour son parcours littéraire ...
Ainsi dans Climbié, nous découvrons le parcours de Bernard
Dadié, figure de proue de la littérature ivoirienne; auteur de nouvelles,
romans, poésies militantes, de théâtre, d'essai et lauréat à deux reprises du
Grand Prix Littéraire d'Afrique Noire pour Patron de New York (1965) et La
ville où nul ne meurt (1968).
Il aborde les nombreuses questions qui ont alimenté son
parcours et ses réflexions ; notamment le rôle des divers types d'instruction,
la lutte contre le colonialisme et les
injustices, la lutte pour l'indépendance et la démocratie, la lutte pour la
valorisation et la conservation de la
culture et des identités africaines et bien d'autres encore...
C'est un roman intéressant, qui nous replonge dans la vie de
cette époque, notamment à Grand-Bassam ou encore à Gorée où les fortes présences européennes affectent
directement le quotidien de leurs
habitants. Bien que l'auteur soit très critique ,envers la figure du colon, son
roman est émaillé de nombreux messages de tolérance : " Tes études
t'apprendront à secourir tout homme qui souffre parce qu'il est ton frère. Ne
regarde pas jamais sa couleur, elle ne compte pas. Mais en revanche ne laisse
jamais piétiner tes droits d'homme , car même dans le plus dur esclavage, ces
droits-là sont attachés à ta nature même." p51.
On y retrouve également de
nombreuses préconisations : " Dans le monde actuel, les ignorants n'auront
pas de place. L'homme instruit est un lion. Instruisez-vous, sans cependant
abandonner vos coutumes". p.55 qui témoignent de son attachement à
l'instruction et à la culture de son continent, auquel il a rendu hommage à travers ses nombreuses œuvres.