12 nov. 2012

Grand-Bassam : Ville historique, "Berceau" de la Côte d'Ivoire




Comme la plupart des ivoiriens, la ville de Grand-Bassam, première capitale de Côte d'Ivoire, m'a toujours plus attirée pour ses plages et nombreux hôtel/restaurants que pour son patrimoine historique et culturel. En effet, déjà sur le chemin qui y mène de nombreux restaurants/maquis , longent la côte, tentant les plus affamés de s'arrêter "sur la route de Bassam" avant même d'atteindre la ville de Grand Bassam, située à 40km à l'Est d'Abidjan.
Pourtant, ancienne capitale de la Côte-d'Ivoire, à l'époque coloniale, Grand-Bassam offre bien plus que des plage. Elle abrite de nombreux vestiges d'architecture coloniale, des monuments, des lieux culturels ( musée, maison des artistes...) et constitue à elle-seule le "Berceau" de la Côte-d'Ivoire. Sa richesse est aujourd'hui "reconnue" car depuis le 29 juin  2012, elle fait partie des nouveaux sites africains inscrits au Patrimoine mondial de l'Unesco.
J'ai donc décidé, pendant mes vacances en Côte-d'Ivoire de passer quelques jours dans cette ville historique pour m'imprégner de son histoire, qui est également celle de la Côte-d'Ivoire toute entière. Mais également pour tenter d'en apprendre davantage sur les N'zima Kôtokô ( ou Apollo), peuple qui habite cette région, dont est issue ma grand-mère maternelle, qui a elle-même grandi dans le quartier N'Zima. C'est une ville qui a également passionnée mes grands parents paternels pour son histoire, bien que n'étant pas issus de cette région.

I. Petits éléments d'histoire

Dans leur livre intitulé "Centenaire de la Côte-d'Ivoire 1887/1888-1988 en cartes postales", mes grands-parents André et Afo Guenneguez, cartophiles et collectionneurs, racontent l'histoire de la Côte-d'Ivoire à travers des cartes postales qui constituaient " le moyen de communication le plus parlant de la période 1900/1930, du fait de la vue et du texte, d'où son emploi développé en Côte-d'Ivoire...".
C'est de ce livre que je tire les informations et quelques images suivantes.

L'histoire de la fondation de l'État de Côte-d'Ivoire est celle de trois hommes : Verdier, le premier a signer des traités avec quelques rois, suivi de Amédée Brétignière puis de Marcel Treich-Laplène. 

Dans les années 1880, lorsque débute ce que l'on a appelé le "partage de l'Afrique", initié par la conférence de Berlin de 1884 ; les Français sont installés à Grand-Bassam et Assinie, les Anglais à Cape Coast Castle et les Allemands au togoland. Lorsqu'en 1887, les anglais connaissent une percée à l'intérieur des terres ouest africaines ; les français craignent que ces derniers s'emparent du centre et ouest de l'actuel Côte-d'Ivoire, risquant de couper les populations de l'intérieur de toutes communications avec les ports. Risquant également de priver les français d'une liaison entre le Côte-d'Ivoire et le Haut-Sénégal et Niger autrement dit une "coupure" anglaise au sein de l'AOF. Les français se cantonnant alors aux côtes, décident d'envoyer Treich-Laplène, conquérir l'intérieur des terres en signant des traités avec les différents rois habitants ces régions. Ce dernier réussira sa mission, en précédant les anglais et en faisant accepter le protectorat français aux nombreux rois concernés. "Cette prouesse....coûtera la vie à Treich-Laplène... qui succombe de l'énorme effort accompli, le 9 Mars 1890 à bord du navire qui devait le déposer à l'hôpital de Dakar". Avant de mourir, il a pu écrire ceci à sa mère : " Si je dois mourir, ce qui me console: c'est d'avoir pu placer sous le protectorat de la France ce vaste et riche territoire".

Marchel Treich-Laplène, est donc considéré comme le fondateur du territoire de la Côte-d'Ivoire. Son souvenir est encore présent dans les rues du quartier France de Grand-Bassam aujourd'hui.
Obélisque à la mémoire de Treich-Laplène



Portrait de Treich-Laplene, issue du livre de mes grands-parents

Livre de mes grands-parents André et Afo Guenneguez

Boulevard portant son nom à Grand-Bassam



En 1899, Grand-Bassam connait une épidémie de fièvre jaune qui tuera 45, des 60 français présents dans la ville. La capitale est alors transférée à Bingerville. Ce monument représenterait la femme d'une de ces personnes emportées par l'épidémie. Elle serait allée faire des courses et aurait, en rentrant, retrouvé son mari mort. (On peut distinguer l'homme à ses pieds).






II. Dans les rues de la ville...de nombreux vestiges!

Voici quelques photos que j'ai prises dans les rues du quartier France.
Je commence par ma préférée qui à l'allure d'un véritable tableau , pourtant ce n'en est pas un ! Merci à mon appareil photo !
Par contre, vous pouvez constater l'état de ruine avancé du bâtiment. La végétation semble avoir raison de lui !


Résidence Ganamet. Désolée pour le gros car devant, cela n'enlève rien à  la beauté du bâtiment ! Mais que se passe-t-il à l'intérieur ?

Il y a des vendeurs de pagnes kitas


Immeuble de la Banque Commerciale Africaine




Le premier hôtel de Grand-Bassam:  l'hôtel de France.

Immeuble de la Compagnie Française de l'Afrique Occidentale

Une rue...

 III. Les N'zima Kôtokô


C'est le peuple N'zima Kôtokô qui habite cette région, ethnie du grand groupe des Akans. En raison des guerres tribales qui sévissent au Ghana, ils viennent s'installer en Côte d'Ivoire au XVème siècle. Pour des raisons économiques, ils s'établiront le long du littoral à Assoyam, aujourd'hui Grand-Bassam.

Il est composé de 7 grandes familles, aux différentes fonctions : N'djuaffou, Ezohilé, N'vavilé, Mafoulé, Azanhoulé, Allonhôba et Adahoulin.

Kôtokô signifierait Porc-Épic en Ashanti, en référence à l'animal qui attaqué, lance ses piquants tel des flèches. Autrement dit, quiconque se frotte au N'Zima, s'y pique !

Ils seront rebaptisés "Apolloniens " par les européens qui débarquèrent à Assoyam le jour de la Sainte Apolline.

Comme tous les Akan, les N'Zima possèdent une royauté ( tous les autres grands groupes de la Côte d'Ivoire sont organisés en chefferie). Il y a plusieurs villages ( notamment le village Impérial Grand-Bassam et le village quartier France), qui ont chacun un chef, toutefois, tous les chefs sont soumis l'autorité du roi. Le roi actuel se nomme (Sa Majesté) Awoula Tanoé Amon Désiré. À l'époque, il obtenait ce statut grâce à sa puissance guerrière, en conquérant des territoires et en soumettant les chefs par la force. Aujourd'hui, il est désigné par consensus :les chefs de village, désigneront d'un commun accord, le futur roi, celui qui gérera l'intérêt commun de l'ensemble des villages.

Les chefs quant-à-eux, sont désignés de la même façon depuis des siècles. Le pouvoir Akan est matrilinéaire. Ce sont les femmes qui le détiennent et qui connaissent l'ordre de préséance. Les Mères se réunissent et présentent le fils aînés de la "soeur" la plus âgés à un comité de Grand Notables ( chefs guerriers, conseillers...) du village qui accepte la proposition. La procédure d'intronisation peu alors commencer. Dans le cas d'un refus, elles doivent présenter quelqu'un d'autre. Au bout de trois refus consécutifs, le peuple est invité à prendre part à cette décision en désignant lui même le chef qu'il souhaite avoir.

Les femmes sont donc le pilier de la société N'zima, les garantes du pouvoir. Elles sont représentées par la Reine-Mère. Il s'agit aujourd'hui de Nanan N'Guettié Ebah II, soeur de sa majesté Awoula Tanoé Amon Désiré. La Reine-Mère peut donc être la mère, la soeur , la tante du roi mais en aucun cas, sa femme.

La fête de l'Abissa ou le nouvel an, est l'évènement culturel N'Zima, le plus connu. Elle a lieu entre fin octobre et début novembre ( la dernière fête de l'Abissa , vient donc de se terminer à Grand-Bassam). C'est l'occasion de se réunir autour du roi, au son des tams-tams parleurs Akan "Edo n'gbolè" et de célébrer l'année qui vient de s'écouler et d'instaurer de nouvelles bases pour celle qui arrive. En effet, cette fête est l'occasion pour le peuple de s'exprimer devant le roi et de dénoncer tout ce qui a pu lui déplaire, sans que cela n'engendre aucunes représailles, ni de la part de ce dernier, ni de celle des notables.

Voici un article de journal intéressant qui nous parle des dernières festivités de l'Abissa : http://www.fratmat.info/component/content/article/88-focus/12347-grand-bassam-labissa-ou-le-nouvel-an-pour-le-peuple-nzima-kotoko.html

Voici une photos du début de la place de l'Abissa, où on lieu les festivités de la fête du même nom. Cette place représente également à l'époque coloniale, la séparation du quartier des colons de celui des dits, indigènes.



Palais Royal N'Zima

Roi N'Zima actuel, photo prise à l'adresse suivante :
http://lesivoiriensontdutalent.blogspot.ca/2012/10/abissa-bassam-nzima-unesco.html





IV. Éléments de culture

Le Musée National des Costumes de Grand-Bassam

Situé dans le quartier France, à l'intersection des boulevards Treich-Laplène et Gabriel Angoulvant, le bâtiment abritant le Musée était autrefois la demeure des différents gouverneurs qui se sont succédés à la tête de la Côte-d'Ivoire de 1893 à 1902. Juste en face, il y a le premier palais de justice ( en pleine désuétude) de Côte-d'Ivoire datant de 1900.

Le 09 Décembre 1980, ce bâtiment alors baptisé Hôtel des gouverneurs devient le Musée National des Costumes qui a pour but de conserver les collections nationales de costumes.
J'ai eu la chance de pouvoir visiter ce Musée très tôt un samedi matin. À notre arrivée, le guide qui a semblé surpris ( est-ce parce que peu de gens viennent le visiter, en particulier si tôt le matin), a failli s'étouffer avec la poignée d'attiéké ( semoule à base de manioc) qu'il venait d'avaler (rires) ! On lui a laissé le temps d'aller chercher un peu d'eau, de se remettre de cette frayeur et nous sommes allés à la découverte de l'intérieur du Musée.

Le guide commence la visite en nous présentant Binger Louis-Gustave, Ier gouverneur du pays, qui a habité ce palais de 1893 à 1896 puis nous plongeons à travers l'histoire mais également les pratiques culturelles et cultuelles des quatre grands groupes ethniques ( Gour ou Voltaïque, Mandé, Krou et Akan) qui composent les Côte-d'Ivoire.

Le bâtiment, constitué deux étages aux pièces très spacieuses abrite différents supports d'information : photos, figurine en bois, statut grandeur nature, maquette de différents habitats traditionnels, masque miniature...vous aurez la chance de voir d'anciens meubles utilisés et laissés par les gouverneurs, leur chambre, salle de bain et bien d'autres surprises.

À la fin de votre visite, vous saurez reconnaître un roi Akan, vous saurez également comment s'habillait les chefs des autres groupes ethniques ( textiles traditionnels, industriels, vêtement en écorce, en rafia) . Vous saurez, comment en fonction des région et de l'ethnie qui y habitait, les villages étaient construits...Mieux encore vous pourrez identifiez les féticheuses(sorcières) de votre entourage !

Musée National du Costume

Premier Palais de Justice de Côte d'Ivoire, situé en face du Musée. Photo prise depuis le  premier étage du Musée du Costume
 À côté du Musée, sous un grand apatam, vous pourrez voir l'exposition/vente de quelques artisans.
Apatam artisans. Fauteuils réalisés avec des cornes de zébu ! :o !

La maison des artistes-plasticiens de Grand-Bassam

C'est un bâtiment qui attire le regard de quiconque passe sur le boulevard Treich-Lapleine en raison des couleurs vives recouvrant sa façade. Autrefois lieu de transit de marchandises, il sert aujourd'hui d'exposition permanente au travail de nombreux artistes tel que Monsieur Tanoh Koffi Maturin, qui nous a accueillit chaleureusement et nous a servi de guide. Ses tableaux , tous à vendre d'ailleurs, nous ont marqué en raison leurs couleurs vives et des images et impressions qu'ils transmettent.

Les photos étant interdites dans l'enceinte du bâtiment, il m'est impossible de vous montrer un apercu des oeuvres exposées. Monsieur Tanoh nous a expliqué la raison de cette politique : plusieurs œuvres se sont retrouvées sur internet sous forme de cartes de vœux et ce sans aucune précision quant à leur provenance et donc sans aucune mention du nom des artistes. Ce type de problèmes fait partie des nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés ces artistes , en plus du manque de moyen ( pas d'électricité), de la vétusté du bâtiment et bien d'autres encore...

N'oubliez pas de faire un petit don pour saluer et encourager le travail de ses artistes courageux et talentueux !








Maison du patrimoine culturel

Je trouve que les renseignements apportés par cet avis du site petit futé sont complets et intéressants :

" Anciennement Hôtel des Postes et Douanes, cette jolie bâtisse récemment rénovée date de 1894. Les bâtiments qui la composent ont été importés en kit à la fin du XIXe siècle et montés sur place par des ouvriers ivoiriens qui se chargèrent notamment de toute la partie maçonnerie. La colonne du milieu et les étages furent ajoutés par la suite (aux environs de 1900) et, à l’époque, les bâtiments coloniaux étaient ainsi conçus que la partie en pied était réservée aux bureaux et aux entrepôts tandis qu’à l’étage se trouvaient les habitations. Le 11 juillet 2002, la bâtisse a été rattachée par décret au ministère de la Culture et de la Francophonie qui en a fait la Maison du patrimoine. Entre autres activités, cette dernière s’est fixé pour objectif de procéder à un inventaire et à une mise en valeur du patrimoine culturel de la ville de Grand-Bassam et, partant, de créer un pôle d’attraction permettant de contribuer au développement culturel artistique et touristique de cette partie du littoral. Cette action se traduit notamment par une viabilisation des maisons coloniales, qui trouve son aboutissement dans le projet d’inscription du quartier France au patrimoine mondial de l’Unesco, projet initié par le maire de la ville, en collaboration avec le ministère de la Culture et de la Francophonie. Avec l’appui de la Mairie de Bassam et du conseil général, les employés de la Maison du patrimoine œuvrent donc à la sensibilisation de la population afin d’amener celle-ci à s’impliquer activement dans la préservation de cette partie de son patrimoine. Concrètement, un décret national garantit la protection de l’intégralité du quartier France (dont à l’origine seuls 20 bâtiments étaient classés), protection qui passe notamment par un respect de son harmonie architecturale : ainsi, toute maison nouvellement construite dans l’enceinte de ce périmètre protégé doit-elle se conformer à l’architecture coloniale en en reproduisant les caractéristiques et en n’excédant pas les deux étages. La sensibilisation du grand public se manifeste aussi par d’autres actions à vocation plus culturelle, comme l’organisation de journées thématiques et d’expositions. Les murs de la Maison du patrimoine abritent ainsi une exposition permanente de photographies montrant l’ancien Bassam de la période coloniale. C’est également l’établissement le plus à-même de fournir des guides qui vous emmèneront pour une visite à travers le quartier France. Il vous suffit pour cela de vous présenter et de prendre rendez-vous."

Source : Petit Futé , http://www.petitfute.com/adresse/etablissement/id/194243/maison-du-patrimoine-culturel-visites-points-d-interet-grand-bassam



La poste et la Douane aujoud'hui Maison du Patrimoine culturel. Photo d'une carte postale issue du livre Centenaire de la Côte d'Ivoire 1887/1888-1988 en cartes postales.



Le phare de Grand-Bassam

Situé au quartier du même nom, ce bâtiment majestueux de 17m de haut, rappel l'essor économique connu par Grand-Bassam durant la période coloniale. Ses travaux qui durèrent un an , s' achèvent en 1914 mais il ne sera mis en service qu'en 1915, avec sa lanterne d'une portée de 33kms. Il est éteint en 1951 lorsque le port d'Abidjan est inauguré. Tout comme le palais de justice, le transfert du pouvoir politique et économique sur Abidjan à fait tomber de nombreux bâtiments en désuétude.

Photos de Grand Bassam, prise sur le toit d'un bâtiment colonial, on peut apercevoir, dans le coin à gauche le phare.








Artisanat

-Tisserand : Dans les rues de Grand-Bassam, vous trouverez de nombreux tisserands qui font des étoffe de kita. Le pagne Kita est considéré comme un symbole de richesse car c'est le tissu porté par les rois Akans et les chefs de d'autres ethnies...
Les artisans que nous avons rencontrés, font ce métier depuis leur plus jeune âge.




En train de répondre à nos questions !





Alors que ma soeur, ma cousine et moi , nous longions la lagune, nous sommes tombés sur un autre artisan, qui nous a proposé d'essayer son "métier à tisser ".
Petite vidéo de ma cousine Anais à l'essai :
Maintenant le travail du maitre (le premier tisserand) :





-Centre de céramique :c'est à la fois une usine, un centre de formation et un lieu d'exposition/vente. Vous y trouverez des couverts, objets de décorations et bien d'autres surprises

Entrée du Centre de Céramique

-Antiquaires/collectionneurs: Il y a également dans les rues du quartier France de Grand-Bassam quelques antiquaires. Il y en deux juste derrière la Résidence Boursault, située en face de la Bibliothèque municipale et du Centre de Culture: Jean-Baptiste Mokey.





Bibliothèque municipale et Centre de Culture Jean-Baptiste Mockey

Il y en a également un en face des arbres qui bordent la lagune, juste après le pont de la victoire. Ce dernier a une collection impressionnante, venant de diverses régions du continent :  calaos sénoufos, figures baoulés, camerounaises, béninoises et bien d'autres encore...

tête de colon ! Il me fait penser à un ex président lol



Masque béninois

Vêtement de dozos (chasseurs traditionnels) avec des gris-gris
békré, singe baoulé

sages sénoufos

Porc-Épic, bas-zaïre/cameroun

kalefedjo (sénoufo)

Ainsi Grand-Bassam , est une ville à découvrir. Mais c'est également une ville en danger en raison non seulement de la décrépitude des bâtiments constituant sa richesse mais en raison, également, de la montée des eaux et des comportements à risque de ses habitants. L'inscription récente de son quartier France au patrimoine mondial (1er Juillet 2012) de l'Unesco suscite de nombreux espoirs quant à l'obtention de moyens financiers pour tenter de remédier à ses nombreux problèmes mais également quant à une hausse de l'intérêt et de l'implication des ivoiriens pour la préservation de ce joyau.
Je terminerai avec une phrase que ,Nanan Kouamé Adou, chef du village Impérial Grand-Bassam, a prononcé lors d'une émission que je regardais l'été dernier  :  "Avant d'être ivoirien, on est tous Bassamois que l'on soit N'zima ou pas"!



Quelques images "en vrac":



Manguiers centenaires longeant la lagune

On peut apercevoir le pont de la victoire qui mène à Grand Bassam
Marché artisanal sur la route de Grand Bassam






23 oct. 2012

The no.1 Ladies' Detective Agency - Alexander McCall Smith


Il y a quelques années déjà (le temps passe tellement vite!), mon père est venu passer quelques jours à Montréal , pour célébrer avec nous, les dix-huit ans de ma petite sœur Assamah ( elle fête aujourd'hui ses 21ans d'ailleurs :-)!). Il passait la plupart de son temps dans les nombreuses librairies de la ville. C'est dans l'une d'elles, qu'il est tombé sur The no.1 Ladies' detective agency, qu'il m'a offert pour que je pratique mon anglais .

J'appréhendais un peu car je l'avais trouvé épais, chose qui ne m'effraie pas quand il s'agit de livres en français. Mais la couverture m'avait intrigué en raison de ses couleurs vives et de la bonne humeur qu'elle dégageait. De plus, au dos du roman il était écrit : "more than 7 million devoted readers have discovered Precious Ramotswe and the no.1 ladies' detective agency". J'ai donc été convaincue et je me suis dit qu'il valait sûrement le détour.

J'ai voulu le relire ce mois-ci car c'était un livre passionnant et drôle.

Mma Ramotswe est une femme à laquelle le lecteur s'attachera tout de suite: sympathique, courageuse, persévérante, intelligente , militante parfois , ayant la force de relativiser et d'apprendre de ses erreurs. Elle réussira à surmonter toutes les difficultés de la vie mais également celles des cas auxquelles elle sera confrontée. C'est une femme qui s'assume également car elle est ronde et en fière même si cela lui vaut parfois des commentaires malveillant.

Elle ouvre cette agence car elle aime tant l'Afrique , particulièrement ses compatriotes botswanais, qu'elle estime qu'il est de son devoir de pouvoir les aider. De plus, selon elle,  un bon détective privé n'a besoin que d'intuition et d'intelligence, choses qu'elle  possède depuis sa plus tendre enfance. Je tiens à préciser qu'elle n'est pas prétentieuse ,bien au contraire , pleine d'humilité car elle sait se remettre en question. Elle a simplement un sens du devoir et du dévouement tel, qu'elle décide de se mettre aux services de ses compatriotes.

Le lecteur plonge alors dans le quotidien des botswanais et leurs lots de problèmes  :vols, arnaques, disparitions, adultères et bien d'autres; dépassant  même parfois les frontières de l'Afrique du Sud, pour affecter leur quotidien dans la capitale Gaborone. En plus de ces maux que le monde entier connait, il y a également des maux plus spécifique aux sociétés adeptes de pratiques occultes comme la sorcellerie et autre : Mma Ramotswe sera alors confrontée à des cas mystiques.

Elle résout chacun de ses cas avec intelligence, ruse, recourant parfois à ce que l'on pourrait appeler de mauvaises blagues qui amuseront certainement le lecteur. Plus surprenant encore, en "bonne chrétienne", elle tente de s'inspirer de personnages de la Bible en se demandant par exemple : " What Salomon would have done? ".p11 



Bien qu'étant écossais d'origine, l'auteur, est né et a grandi en Rodhésie du Sud ( actuel Zimbabwé). Il semble connaître les sociétés africaines et les voir , telles qu'elles sont, lui permettant ainsi d'éviter de tomber dans les clichés et le côté folklorique auxquels nos sociétés et leurs pratiques pourraient être rattachées, d'un point de vue occidental. Il m'arrivait même parfois d'oublier qu'il s'agissait d'un européen qui avait écrit cette histoire, car il semble réellement connaître les africains, leurs croyances et leurs mentalités...

Il semble également maîtriser la psychologie féminine notamment en ce qui concerne les hommes, je me suis retrouvée dans de nombreux propos et pensées de Mma Ramotswe ,concernant ces derniers .J'en oubliais également que l'auteur était un homme.

Ce roman est également, une tribune qu'utilise Alexander McCall Smith pour rendre hommage aux mineurs, notamment à travers l'histoire du père de Mma Ramotswe . "His life was unrecorded, who is there to write down the lives of ordinary people ?" p15

On apprend que , comme de nombreux hommes d'Afrique Australe, ce dernier travaillait dans les mines sud-africaines . L'auteur nous parlera du recrutement aléatoire de ses mineurs, très jeunes pour la plupart, de leurs entrainements sommaires , des conditions de travail inhumaines mais également des mauvais traitements que ces derniers subiront , et qui, étonnement, ne viendront pas uniquement de la part des "White miner". C'est la partie du roman la plus émouvante selon moi car l'on réalise la difficulté de ce travail, la difficulté d'être , loin de leur famille et de leur pays d'origine pour certains.  On réalise également que les mines les tuent à petit feu : quand ce ne sont pas des accidents qui les emportent, ce sont les maladies reliées a ce travail. Je n'ai pu m'empêcher de penser aux 33 mineurs chiliens emprisonnés durant 24 heures dans leur mine et plus récemment encore, au massacre de Marikana en Afrique du Sud.  Comme le dit si bien les paroles d'une chanson rapportées par l'auteur : " The mines eat men. Even when you have left them, the mines may still be eating you".

À travers ce roman, je me suis également rendue compte de l'importance des troupeaux dans la culture botswanaise. Les personnes les plus riches sont celles qui possèdent les plus grands troupeaux, ceux qui n'en ont pas, sont considérés comme démunies : "As without your cattle your were naked".p5 . L'importance des troupeaux est telle que selon la tradition orale, le paradis en serait même rempli :" We have a story in Botswana about two children, a brother and sister, who are taken up to heaven by a whirlwind and find that heaven is full of beautifull white cattle"p18.

Je n'ai pu m'empêcher de comparer cette région de l'Afrique à la mienne et y repérer quelques différences et similitudes. Lorsque quelqu'un toque à l'entrée d'une maison avant d'y entrer : elle dit "Ko Ko" comme chez nous même, si nous le disons plutôt 3 fois " Ko ko ko".   En Côte-d'Ivoire les libanais détenaient d'abord de nombreux petits commerces avant de devenir des acteurs clés de notre économie, il en est de même au Botswana avec les indiens, d'après ce que j'ai compris. Enfin, il y a aussi, comme chez nous, les incontournables croyances en la sorcellerie qui arrivent aujourd'hui à cohabiter avec la modernité mais également les différentes religions, créant ainsi un véritable syncrétisme religieux.

Mma Ramotswe et son père sont des personnages qui toucheront le lecteur. Malgré les difficultés, ils arriveront à relativiser, à apprécier les choses simples, les petits plaisirs de la vie et à se focaliser sur les choses positives. Leurs pensées sur certains sujets feront sourire le lecteur comme lorsque le père parle des "white miner" qui ressemblent à des fantômes ou encore lorsque Mma Ramotswe fait ses courses, porte ses paquets toute seule et regrette ,à ce moment précis, de ne pas avoir de copain. Je dois avouer qu'à chaque fois que je sors d'un magasin et que je dois porter des paquets trop lourds, je me dis exactement la même chose.

Ils sont également tous  les deux amoureux de l'Afrique et plus particulièrement du Botswana dont ils sont fiers d'être issu. Leur patriotisme et fierté frôle même le chauvinisme mais on peut tout de même les comprendre car comme il est écrit dans le roman : " There's no other country in Africa that can hold its head up as we can. We have no political prisoners, and never have had any. We have democracy. We have been careful. The Bank of Botswana is full of money, from our diamonds. We owe nothing "p.20. Il est vrai que le Botswana est souvent érigé en exemple en matière de démocratie et de la lutte contre la corruption . Il est de loin, le pays le moins corrompu en Afrique. Je me demande si la fierté éprouvé  par les deux personnages n'est pas également partagé par l'auteur (pourquoi?) qui défend si bien les couleurs de ce pays.

En conclusion je pourrais dire que ce premier tome de The no 1 ladies'dective agency qui se décline en 10 romans au total est un véritable voyage à travers l'histoire , la culture et le quotidien des botswanais et plus largement des africains en général. C'est un véritable régal pour les amoureux de lectures, d'Afrique et de voyages. Mais pour ceux qui lisent moins, le roman a été adapté en séries. Mma Ramotswe est incarnée par la chanteuse américaine Jill Scott et la série est géniale elle-aussi !

Mon passage préféré : lorsque l'un des personnages apprend qu'il va mourir, il nous dit ceci : " Some people cannot bear news like that. They think they must live forever, and they cry and wail when they realise that their time is coming. I do not feel that, and I did not weep at that news which the doctor gave me. The only thing that makes me sad is that I shall be leaving Africa when I die. I love Africa, which is my mother and my father. When I am dead, I shall miss the smell of Africa, because they say that where you go, wherever that may be, there is no smell, no taste". 
p17, Anchor Books



PS: Joyeux anniversaire Assamah

14 oct. 2012

Champs de bataille et d'amour - Véronique Tadjo


Lorsque je flâne dans une librairie ou une bibliothèque, les romans ayant des titres relatifs à des histoires d'amour ne m'attirent JAMAIS. Je préfère regarder les dimanches soirs, des films à l'eau de rose qui me mettent du baume au cœur afin de pouvoir affronter la dure semaine qui m'attend.

Je vous dit cela car j'ai fait une exception. Et oui ! Cet été, en fouinant dans les livres de mon défunt grand-père paternel, je suis tombé sur Champs de bataille et d'amour de Véronique Tadjo. Une auteure qui m'est familière pour avoir lu Le grain de maïs magique, Mamy wata et le monstre et Grand-mère Nanan, dédiés aux enfants. C'était donc l'occasion pour moi de découvrir un de ses romans.

Toutefois, j'avoue avoir été surprise de voir celui-ci dans la bibliothèque de mon grand-père. Je pensais (peut-être à tort) que les hommes s'intéressaient peu à ce genre . De plus, le fait qu'il ne fasse pas partie de la catégorie de livres que ce dernier, amoureux de l'Afrique, de son histoire et de son art, lisait , m'a intriguée. J'ai tant bien que mal essayé de trouver les raisons qui auraient pu le motiver mais en vain. Est-ce parce que le livre parle d'un couple mixte comme le sien ? Est-ce ma grand-mère ou l'un de mes oncles qui l'aurait lu ? Quoique je verrais mal ces derniers lire une telle histoire...

Bref, ce roman méritait mon attention après toutes ces questions. Je me suis donc résolue à le lire à mon tour.

Champs de bataille et d'amour , comme son titre l'indique, nous parle d'une histoire d'amour entre deux personnes que tout oppose : il est noir, a grandi en Afrique ; elle est blanche , à grandi en Europe. Après une rencontre incongrue, dans un contexte morbide et ils ne se quittent plus. 

C'est l'histoire d'Éloka et Aimée. Un coup de foudre !

Au début, leur amour est "frais", comme la rosée du matin et plus fort que tout. Ils n'ont plus peur de rien, se sentent la force de pouvoir tout  affronter quand ils sont ensemble car il n'y a que cela qui compte. Aimée , décide alors de suivre Éloka, de rentrer avec celui-ci dans son pays natal,  pour s'y installer et partager sa vie pour toujours. "Ensemble , ils décident d'affronter le désert de solitude pour ne faire qu'un...."Leur amour est alors comme le "Midi" , pétillant, rayonnant, éblouissant !

Survient alors l'ennemi de tous les couples : le Temps : "Mais il  (Éloka) savait trop bien que l'amour suivait toujours les mêmes chemins et que tôt ou tard, ce serait le temps qui imposerait sa loi. Pour le meilleur ou pour le pire".

Lorsque que le temps du Temps arrive, leur Amour prend alors une toute autre tournure, la solitude s'installe. Bien qu'ils soient ensemble,  Ils se sentent finalement seuls, chacun affrontant ses démons de son côté.  De plus ,leur environnement leur rappelle sans cesse que leur amour "fane" et la solitude les ronge de plus en plus. Le flamboyant rouge du jardin, n'a lui même pas survécu au temps : il est tombé lors d'une tempête; comme leur amour est lui-même tombé... Après la tempête, la passion des débuts...

Enfin, chacun tente de s'évader de cette commune solitude, en essayant de briser la routine. L'un des personnages ira plus loin que l'autre, risquant ainsi de bouleverser leur équilibre précaire.

Ce roman a suscité de nombreuses questions en moi. La citation "anonyme" : "One of the hardest parts of life is deciding whether to walk away or try harder" revenait sans cesse et je me suis demandé ce que j'aurais fait si j'avais été dans la situation d'Aimée.



Ce un roman diffère de ceux que j'ai l'habitude de lire. J'avais déjà beaucoup d'appréhension en l'ouvrant et je dois dire qu'il m'a mis mal à  l'aise tant l'auteure arrive à  transmettre au lecteur, la souffrance, la douleur et le combat solitaire des deux personnages à travers le récit de leurs pérégrinations intérieures; marquées par les souvenirs d'un passé joyeux, le vécu d'un présent amer et les questionnements d'un futur incertain.  Le lecteur n'est pas transporté dans la vie des personnages à travers la narration de leurs faits et gestes mais plutôt dans leurs pensées quotidiennes, leurs combats intérieurs, solitaires. L'incertitude de leur amour plane sur fond de déliquescence ambiante : la maison et les meubles se dégradent, la ville elle-même se dégrade, le Rwanda est en pleine guerre civile. Les atrocités qui y sont commises durant le génocide, sont dénoncées , à travers les pensées des personnages et un poème. Il semble que le passé tragique de ce pays , soit un sujet important pour l'auteure, comme en témoigne  un autre de ses écrits : L'ombre d'Imana : voyage jusqu'au bout du Rwanda.

La particularité du texte, réside dans le fait que ce sont les pensées des personnages qui font l'histoire de ce roman. Des pensées entrecoupées de retour à la réalité, de résurgences de souvenirs.

Le début du roman m'a également marqué car la situation d'Éloka coincidait ( drôlement) avec la mienne. Nous étions tous les deux en train de voyager dans un bus. Juste avant de l'ouvrir, j 'étais comme Éloka, en train de regarder défiler les paysages et je pensais à la routine montréalaise que je laissais derrière moi pour Toronto, où une certaine solitude m'attendait.

La fin d'un passage, écœurant mais très bien écrit, sur la mort et la peur de celle-ci :  "Voici venue la saison du deuil et du souvenir alourdi par le poids de l'absence. La colère s'infiltre. La nausée restera. Protestations inutiles contre une mort annoncée. Œsophage en feu, ventre en ébullition, surface de la peau purulente où s'installe la douleur. Le monde se ferme, éjecté. La lente agonie vers le fond de la terre. Grouillement des feux follets dans une obscurité permanente. Et dire qu'il y a quelques années encore, nous rêvions d'être immortels
p58/59, Présence Africaine.