16 mars 2013

Une si longue lettre - Mariama Bâ


Dans ce premier roman, considéré comme l'un des 100 meilleurs livres africains du 20ème siècle, Mariama Bâ se sert de sa plume comme  une arme pacifique. Une arme  pour apaiser sa peine, témoigner des changements que connait la société sénégalaise , enfin  et surtout pour  dénoncer la condition de la femme dans cette dernière.

Elle nous raconte l'histoire de Ramatoulaye qui  vient de perdre Modou Fall, son mari . Après le décès de ce dernier, elle décide d'écrire à, Aissatou sa meilleure amie afin de  lui raconter les funérailles. Mais très vite, après avoir rapporter le déroulement des différentes cérémonies et pratiques d'usage;  Ramatoulaye est replongée dans ses souvenirs  : " le passé renaît avec son cortège d'émotions. Je ferme les  yeux. Flux et reflux de sensations..." Elle se remémorera les histoires de leurs deux couples : leur formation, les années de bonheur puis les évènements inattendus qui les feront basculer et affecteront les deux femmes pour toujours.
Le lecteur plonge alors dans une atmosphère douce-amère qui alterne entre les souvenirs d'un passé joyeux et plein de promesse, la réalité d'un présent difficile, abordée avec lucidité et enfin les questionnements d'un futur incertain, laissant peu de place à l'espoir, même si l'auteure refuse de se résigner.

À travers leurs histoires, Mariama Ba abordera la question de la polygamie et de son impact émotionnelle considérable sur les femmes; que les hommes ignorent lorsqu'ils décident de bafouer leur couple. L'auteure dénonce ainsi la condition difficile des femmes écrasées par le poids du patriarcat , de l'égoïsme des hommes, des traditions , des religions mais également par celui du modernisme qui se traduit dans une de ses formes  les plus perverses : la quête sans scrupule du matériel.
À travers ses correspondances, Ramatoulaye rappellera à Aissatou l'histoire de nombreuses autres femmes, telle que Nabou, la cruelle Belle-mère, garante de la tradition et du sang pur de sa descendance. Celle de la griotte cupide, qui survit tout de même dans un Sénégal qui se modernise, celle de Jacqueline, l'Ivoirienne, la "gnac" ou encore l'histoire des secondes épouses comme Daba : "l'agneau immolé sur l'autel du matériel"... Chacune d'elle représente non seulement un trait de la société sénégalaise mais également les changements de cette dernière car il s'agit de générations différentes. Ainsi en fonction de leur âge, influence, parcours, entourage, elles apporteront toutes des réponses différentes aux problèmes que leurs proches et elles-mêmes rencontreront. Certaines entraineront le malheur des unes, d'autres seront le soutien des autres mais, elles seront toutes, d'une manière ou d'une autre victime des diktats de la société , tiraillée entre tradition et modernité.


En effet, nous sommes en 1979 et le Sénégal , comme tous les pays nouvellement émancipés, amorce un tournant."L'Histoire marchait, inexorable. Le débat à la recherche de la voie juste secouait l'Afrique occidentale...." p52. Le pays est alors tiraillé entre tradition et modernité p 142 : " Notre société actuelle est ébranlée dans ses assises les plus profondes, tiraillée entre l'attrait des vices importés, et la résistance farouche des vertus anciennes"p142. L'auteur s'interroge alors sur les conséquence de ce déchirement. Elle constate  notamment le mépris de celui "qui a un mince savoir livresque" p39 à l'égard de ceux qui exercent des métiers traditionnels et les conséquences sur l'intérêt pour ses métiers. Ainsi selon elle, la modernité s'accompagnait de pertes irréversibles.
 Elle aborde également la question du progrès à travers celle du changement des moeurs  " Le modernisme ne peut donc être, sans s'accompagner de la dégradation des moeurs?" p152.
Elle l'aborde également à travers la question de la place de la femme et du rôle primordial qu'elles jouent dans la société qu'elles soient femmes au foyer, institutrice ou encore à travers la question de leurs différents droits; notamment celui de leur accession à des postes politiques "chasse gardée, avec rogne et grogne" p.118 des hommes. L'auteure souhaite une émancipation  de la femme sénégalaise et  ce d'autant plus que le contexte s'y prête. Elle l'exprime à travers un discours lucide et modéré. Mais y-a-t-il des hommes de bonne volonté ?! "Quand la société éduquée arrivera-t-elle à se déterminer non en fonction du sexe , mais des critères de valeur?" p119.

Enfin, au-delà des questions de la condition de la femme, des changements que connait le Sénégal; l'auteure aborde des sujets tels que celui de l'éducation sous toute ses formes : orale à travers les contes, scolaire à l'école des "blancs" notamment et celle que l'on inculque à la maison. L'éducation a une place importante dans la vie de Ramatoulaye, qui est institutrice et a élevé 12 enfants. On ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec l'auteure qui était elle-même institutrice et mère de 9 enfants. L'association ou non de ces différentes formes d'éducation, couplées aux réalités culturelles et aux caractères des individus expliquera les conduites et attitudes de chacun.

Mariama Bâ remporte le prix Noma en 1980 (prix qui n'est plus décerné depuis 2009) avec ce premier roman et décède l'année suivante, peu de temps avant la parution de son second ouvrage.
 Elle était dotée d'une grande sensibilité et d'une capacité remarquable à la retranscrire à l'écrit. Malgré la douleur, l'état mélancolique et les sujets graves qu'elle aborde, l'histoire est emprunte de pudeur. Il s'agit d' une œuvre majeure de la littérature africaine, d'une grande délicatesse et très agréable à lire. 
On aimerait que cette si longue lettre n'ait jamais de fin...


Merci Marie-Lou pour ce beau cadeau!

7 mars 2013

Le Musée National des Costumes de Grand-Bassam


Situé dans le quartier France, à l'intersection des boulevards Treich-Laplène et Gabriel Angoulvant, le bâtiment abritant le Musée était autrefois la demeure des différents gouverneurs qui se sont succédés à la tête de la Côte-d'Ivoire de 1893 à 1902. Juste en face, se trouve le premier palais de justice ( en pleine désuétude) de Côte-d'Ivoire datant de 1900.

Le 09 Décembre 1980, ce bâtiment alors baptisé Hôtel des gouverneurs devient le Musée National des Costumes qui a pour but de conserver les collections nationales de costumes.
J'ai eu la chance de pouvoir visiter ce Musée très tôt un samedi matin. À notre arrivée, le guide qui a semblé surpris ( est-ce parce que peu de gens viennent le visiter, en particulier si tôt le matin), a failli s'étouffer avec la poignée d'attiéké ( semoule à base de manioc) qu'il venait d'avaler ! On lui a laissé le temps d'aller chercher un peu d'eau, de se remettre de cette frayeur et nous sommes allés à la découverte de l'intérieur du Musée.

Le guide commence la visite en nous présentant Binger Louis-Gustave, Ier gouverneur du pays, qui a habité ce palais de 1893 à 1896 puis nous plongeons à travers l'histoire mais également les pratiques culturelles et cultuelles des quatre grands groupes ethniques ( Gour ou Voltaïque, Mandé, Krou et Akan) qui composent les Côte-d'Ivoire.

Le bâtiment, constitué de deux étages aux pièces très spacieuses abrite différents supports d'information : photos, figurine en bois, statuts grandeurs nature, maquettes de différents habitats traditionnels, masques miniatures...vous aurez la chance de voir d'anciens meubles utilisés et laissés par les gouverneurs, leur chambre, salle de bain et bien d'autres surprises.

À la fin de votre visite, vous saurez reconnaître un roi Akan, vous saurez également comment s'habillait les chefs des autres groupes ethniques ( textiles traditionnels, industriels, vêtement en écorce, en rafia) . Vous saurez, comment en fonction des région et de l'ethnie qui y habitait, les villages étaient construits...Mieux encore vous pourrez identifiez les féticheuses(sorcières) de votre entourage ! 

Extrait de mon article : Grand-Bassam, Ville historique, Berceau de la Côte d' Ivoire :
http://culturebony.blogspot.ca/search/label/Grand%20Bassam


Premier palais de Justice de Côte d'Ivoire

26 févr. 2013

AIN'T I A WOMAN : black women and feminism - Bell Hooks


Bell Hooks, de son véritable nom : Glora Jean Watkins est une intellectuelle , activiste féministe et auteure prolifique, qui a de nombreux romans, essais et livres pour la jeunesse à son actif.

 Pendant ses études, elle constate l'absence de discussions ou travaux sur la contribution des femmes noires à la société américaine ; au mouvement féministe notamment. Selon elle, les femmes noires et leur expérience singulière aux États-Unis ont été oubliées ou tout simplement volontairement ignorées. Pour pallier ce désintérêt, elle décide de raconter l'histoire de ces femmes. La nécessité de cette entreprise lui sera confirmée par l'attitude de son entourage. Lorsqu'elle mentionne son idée de livre, lors d'un dîner entre amis, l'un d'eux, pris d'un fou rire lui répondra " What is there to say about black women?". D'autres amis présents éclatèrent de rire à leur tour.

Sa réponse se trouve dans Ain't I a women.

Dans cet essai qui se décline en cinq grands chapitres, Bell Hooks nous raconte l'expérience singulière des femmes noires des États-Unis. Depuis l'esclavage jusqu'aux années 1980, période où elle publie ce livre. En effet, pour expliquer le désintérêt pour l'histoire de l'américaine noire et sa dépréciation, il a fallu remonter aux sources des processus, violences, mythes et manipulations dont elle a fait l'objet au cours de l'histoire.

De nombreux intellectuels  sexistes ont, des années durant, minimisés l'impact de l'esclavage sur les femmes, en affirmant que les hommes, victimes de racisme et atteint dans leur virilité, étaient ceux qui en avait le plus souffert. L'auteure, au travers de ses recherches , montrera que, les femmes noires, ont non seulement souffert de racisme mais  également de sexisme. Ses deux formes d'oppression combinées , institutionnalisées à travers le patriarcat; ont eu un impact inimaginable sur l'histoire de la femme noire aux États-Unis.

 On réalise dès les premières lignes que si les esclaves, tout sexe confondu, ont vécu, enduré et surmonté des choses qui dépassent notre entendement aujourd'hui; la détresse des femmes a été aggravée par l'oppression sexiste, l'exploitation sexuelle, la masculinisation et la manipulation dont elles ont fait l'objet ; qui ont finit par les déshumaniser.
En effet, déjà sur les négriers qui les transportaient de l'autre côté de l'Atlantique ; les colons , s'attelaient , le long de la traversée à utiliser différentes méthodes pour détruire la fierté, l'arrogance, l'esprit de liberté et la dignité des esclaves. La méthode de "prédilection" qui sera utilisé sur les femmes pour les rendre plus dociles sera le viol.
Ainsi, depuis les bateaux, jusqu'aux plantations; le viol des femmes noires sera une "méthode institutionnalisée", courante, banale à tel point que pour éviter le mot "rape"(viol), on parlera des victimes comme des prostituées et par extension de toutes les esclaves comme telles. L'emploi de ce terme aura un véritable impact sur la perception des femmes noires qui se perpétuera par la suite dans l'histoire, jusqu'à nos jours.
De plus, sous l'ère victorienne, caractérisée par un puritanisme à toute épreuve, on martèle pendant les cours de religion que la femme noire est l'incarnation de l'immoralité sexuelle "sauvage" , la dépravation "diabolique". C'est la naissance du premier cliché et mythe sur celle-ci, qui traversera l'histoire, sera adopté par les hommes noirs qui , libérés, embrassent à leur tour le système patriarcal...

Il s'agira là du premier d'une longue série de clichés et mythes, construits de toutes pièces sur la femmes noire, revisités par les médias, les expressions culturels ( théâtres...). Ils traverseront le temps, l'espace ; pour affecter de manière insidieuse les consciences, d'aujourd'hui; et ce que l'on soit américain ou pas.

Après la traversée, la vulnérabilité des femmes noires, sera aggravée par le fait qu'un grand nombre d'entre elle travaillera dans les maisons, au plus près des maîtres. Les viols continueront et les femmes des maîtres  accuseront  et feront payer les "prostituées" plutôt que leurs maris. Ce sera le début de l'antagonisme entre femmes noires et femmes blanches qui les empêcheront , de se réunir, plus tard; sous la bannière du féminisme. Cet antagonisme; sera aggravé par l'envie-mépris que les femmes noires éprouvent envers les femmes blanches. En effet, ces dernières sont érigées par les enseignements de l'époque, comme le modèle de pureté et de féminité par excellence. On renie alors aux femmes noires leur féminité; elles, qui sont également nombreuses dans les plantations; portant des pantalons et effectuant des tâches d'hommes.

Ainsi, Bell Hooks examinera l'impact du sexisme sur les femmes noires durant l'esclavage, la dévaluation perpétuelle ces dernières dans l'histoire américaine, l'impérialisme du système patriarcal qui a ,dans une certaine mesure, réussi à absorber les hommes noirs qu'il oppressait autrefois (ces dernier pratiqueront l'oppression sexiste à leur tour) et bien d'autres sujets...
Enfin l'auteure aborde la question du féminisme ; notamment l'émergence du Black Feminism, né de la nécessité pour la femme noire, muselées par les féministes blanches, de pouvoir exprimer des revendications propres à leur expérience. Sa naissance coïncide avec celle du mouvement pour les droits civiques. Ainsi la question du sexisme mais également du racisme sera au centre des préoccupation et des textes fondateurs du mouvement.





Au delà de la question de l'histoire de la femme noire, cet essai est un véritable voyage dans l'histoire des États-Unis et dans la mentalité du WASP qui domine le monde, crée de toutes pièces des mythes et hiérarchie, qu'il bouleverse lorsqu'elles ne servent plus ses intérêts comme il le voudrait...

L'auteure aborde également des sujets connexes telles que les problèmes entre afro-américain et afro-américaines notamment au sein des couples à cause des mythes et clichés. Elle aborde également  la différente perception des couples mixtes : noirs/blanches vs blancs/noirs et bien d'autres sujets de ce type...

Son travail de recherche est impressionnant. Pratiquement chaque page est ponctuée d'extraits d'articles de journaux, discours, études, réflexions, pièces de théâtre, publicité pour assoir les mythes qui datent parfois du 19ème siècle...

Enfin, Bell Hooks rend hommage aux femme qui ont marqué le Black Feminism par leurs actions, écrits et réflexions. Elle rend un hommage particulier à la remarquable Sojourner Truth, ancienne esclave émancipée, qui en 1852 prononcera son célèbre discours : " Ain't I a woman ?"

12 févr. 2013

Ladysmith Black Mambazo


Malgré l'apparence effrayante de son nom, le Ladysmith Black Mambazo, tente de diffuser à travers sa musique la culture Zoulou, mais également des messages d'amour, de paix et de fraternité.

Petite histoire de la création du groupe :

En 1964, après avoir fait une série de rêves dans lesquels il  entendait/voyait, l' isicathamiya, la musique traditionnelle zoulou, chantée par un choeur; Joseph Shabalala fonde le Ladysmith Black Mamabazo.

"Ladysmith" est le nom de la ville de laquelle il est originaire. "Black" représente le boeuf noir, considéré comme l'animal le plus puissant de la ferme. "Mambazo" signifie "hâche" en Zoulou et symbolise leur capacité à "tailler en pièces" leurs adversaires lors des concours. 
En effet, à ses débuts, le groupe remporte tous les concours de chants traditionnels auxquels il participe. Son niveau est tel qu'en 1973, on lui interdit de prendre part à ses derniers en tant que challenger. On lui offrira la catégorie "hors compétition". Sa renommée, commence alors à se répandre dans tout le pays.

Au départ, le groupe est principalement composé de ses frères et cousins.
Aujourd'hui ses frères on été remplacés par quatre de ses fils : Msizi, Sibongiseni, Thulani et le plus jeune, Thamsanqa.

En 1975, Joseph Shabalala se convertit au christianisme, ajoutant des chants religieux à son répertoire.

Très vite, le groupe vocal devient l'ambassadeur de la culture Zoulou et de l'Afrique du Sud à travers le monde. Dès 1985, alors que le pays est encore sous le régime de l'Apartheid ; le célèbre Paul Simon, fait appel à Joseph Shabalala pour participer à son album Graceland. Se sera la naissance du titre Homeless qui aura un succès retentissant.  Le Ladysmith part alors en tournée dans le monde entier.


Sa relation particulière avec Nelson Mandela :

Au-delà de ses nombreux succès planétaires, ce qui a fait sa particularité et a tenu une grande importance dans sa carrière; c'est sa relation avec Nelson Mandela. En effet, en 1990, lorsqu'il  se produit sur scène à l'anniversaire de ce dernier; Albert Mazibuko, l'un des premiers membres raconte: "he  stood up and he danced with us and he shook our hands and he said keep up the good work... your music has been a great inspiration for me".

En 1993, à la demande de Nelson Mandela, le groupe se rend avec lui à Oslo, à la cérémonie de remise de son prix Nobel de la paix. Un an plus tard, il se produit à sa cérémonie d'investiture. Enfin , en 2003, Nelson Mandela fait de nouveau appel à lui pour en faire l'ambassadeur de sa campagne mondial de sensibilisation pour le VIH/Sida, intitulé 46664, son matricule de prisonnier.

Un palmarès impressionnant :

 Durant ses 30 dernières années de carrière, le groupe a enregistré plus de 40 albums, obtenu 3 Grammy Award dans la catégorie "best traditional folk album" et a été nominé 16 fois  dans cette même catégorie;  notamment en 2011 pour son album "Song from a Zulu Farm".
 Il a collaboré avec de nombreux artistes tels que Stevie Wonder, Dolly Parton, Ben Harper ou encore George Clinton. Ils ont également fait des apparitions dans la video Moonwalker de Michael Jackson et Do it Acapella de Spice Lee. On peut également entendre leurs chansons dans de nombreux films notamment Coming to America/Un prince à New York ou encore le Roi Lion (Mbube, qui est à la fois un vieux style acapella sud Africain . Mbube signifie également Lion).

Ainsi  le Ladysmith Black Mambazo est considéré comme l'ambassadeur de la culture Sud-Africaine à travers le monde.


Sa musique et l'histoire de celle-ci :

Groupe Acapella impressionnant qui mélange clic xhosa, percussions buccales, bruitages, tiré des styles mbube et Isicathamiya. Ce dernier genre, signifie " Tip Toe Guys" en Zulu. En effet, au 19ème, dans les  mines d'or et de diamants du pays, les travailleurs se divertissaient dans les camps; en créant musiques et chants inspiré de leur musique traditionnelle: Mbube. Mais ils devaient danser "en douceur", "on tip toes" pour ne pas attirer l'attention des gardiens blancs. Ils créèrent ainsi l'Isicathamiya, une musique accompagnée de danses expressives mais paradoxalement très calme.

Concert:

Ainsi, bien que leur musique soit très apaisante avec des paroles ( en anglais et en Zulu) très émouvantes; il est impossible de s'ennuyer pendant leurs concerts. Les chanteurs arrivent à créer des interactions avec le public grâce à leur entrain , leur mimiques ou encore leur chanson au ton humoristique. C'est le cas notamment de la chanson "Paulina" dans laquelle ils mettent en garde la jeune fille contre les garçons mal intentionnés qui souhaitent " touch touch and kiss kiss and after they leave you (her) alone" (Très bons conseils lol) (voir première vidéo).
Chacune de leur chanson est accompagnée de gestes expressifs , petites chorégraphies ou encore des danse "on tip toes" avec des mouvements de jambes impressionnants. En effet, ces derniers font appel à une agilité et une souplesse remarquable et ce d'autant plus qu'ils sont réalisés sur de petits espaces.
Lorsque Joseph Shabalala et l'un des plus vieux membres du groupe s'y mettent, les exclamations, et acclamations fusent dans la salle. (voir vidéos)

À plusieurs reprises,Joseph Shabalala se retire pour laisser la place à deux de ses fils : Sibongiseni et Thamsanqa, la relève comme il aime à le rappeler, aux timbres de voix complètement différents et qui, comme leur père, savent enchanter le public.


Le Ladysmith semble avoir encore de beaux jours devant lui....


Surtout avec des fans comme moi (lol)!! Je suis allée les voir en concert à deux reprises déjà et n'hésiterait pas à aller les applaudir de nouveau si l'occasion se représentait.


Photos : 

Alors voici quelques photos prises pendant le concert : 

Joseph Shabalala en avant

Shabalala qui mène sa troupe




Sibongiseni Shabalala, un de ses 4 fils présents dans la troupe

Thamsanqa Shabalala (alto), dernier fils , qui remplacera son père à la tête du groupe lorsque ce dernier prendra sa retraite 

Les groupies ! (lol) / Thamsanqa au centre


 Autre concert:
Concert à Wilmington, Delaware


Séance de dédicace ! Trop contente ! (lol)



Vidéos:

Extrait/fin de "Paulina" , dirigé par Thamsanqa :
Extrait "Coming to America" / "Roi Lion" + "Amen" de Joseph Shabalala
Mouvements de jambes impressionnants / "on tip toes" :
Chant religieux dirigé par Thamsanqa avec une petite choré à la fin: ( je suis amoureuse de sa voix )




Salut final




29 janv. 2013

The First Rasta - Hélène Lee


Le premier Rasta c'est l'histoire d'un homme : Leonard Percival Howell (1898 -1981), qui a voulu libérer les afro-jamaicains de Babylon ou l'Establishment. C'est l'histoire d'un homme oublié, longtemps considéré comme un fou, qui pourtant , a su judicieusement  allier différentes influences, idées et croyances  pour tenter de libérer son peuple.

Son histoire nous est racontée par Hélène Lee, journaliste française, spécialiste des musiques jamaïcaine et ouest-africaine.  Passionnée et intriguée par Leonard Howell, le lecteur la suivra dans ses pérégrinations en Jamaïque entre les quartiers pauvres de Kingston (Trenchtown) et la campagne;  à la rencontre des souvenirs et témoignages de personnes qui ont connu Howell, l'ont cotoyé ou encore vénéré. Ces précieuses informations, souvent racontées comme des légendes, car Howell était vu comme tel, peuvent être considérées comme issue de la tradition orale Rasta. Hélène Lee fournira alors un travail remarquable basé sur des conjectures, la mémoire des personnes qu'elle rencontre, les articles et archives jamaïcaines, américaines et anglaises disponibles sur Howell.

Si Howell a laissé des traces , certes floues, un peu partout dans le monde c'est parce qu'il est très tôt , obligé de quitter la Jamaïque;  après avoir assisté à un meurtre, alors qu'il était assis du haut d'un arbre. Cet "incident" constituera, le premier d'une série de long mythe sur le personnage. Il partira ainsi vers les chantiers du Canal de Panama , à Colòn, la "Capitale du monde", dans le New York bouillonnant du Harlem Renaissance où il rencontre Marcus Garvey et d'autres militants du nationalisme noir. Il fera , pendant 12 ans, le tour du monde, sur des bateaux de transport de troupes de l'armée américaine en tant que cuisinier.  Lorsqu'il rentre en 1932 en Jamaïque, il n'est plus le même et se donne une mission ...

Pendant ce temps-là ,la "prophétie" des Psaumes , rendue célèbre par Marcus Garvey, se réalise en 1930, avec le couronnement du negus: TAFARI Makonnen , fils du RAS Makonnen; qui revendique son ascendance biblique et règnera sous le nom d'Haile Selassié I (Puissance de la Trinité) avec pour  titres : Negus des Negus d'Éthiopie, Seigneur des Seigneurs, Lion conquérant de la Tribu de Judah, Lumière du monde, Élu de Dieu. 
Leonard Percival Howell, sait désormais comment libérer son peuple.

De retour en Jamaïque, il commence à distribuer des portraits de Selassié, empereur africain, libre et RESPECTÉ , par tous , même par la Couronne . Il ne parle pas de Selassié comme un Dieu mais plutôt comme le seul noir, empereur, avec des titres comme ceux que l'on retrouve dans la Bible. À l'époque , il n'y avait  aucun modèle noir auxquels les afros-jamaïcains, écrasés par la couronne, auraient pu se référer, en qui ils auraient pu espérer. Il leur dit alors que seul Haile Selassié serait en mesure de les comprendre et  les aider et que c'était donc vers lui qu'il fallait se retourner.
La population, illettrée, se référant très souvent à la Bible , transposera littéralement les paroles d'Howell et fera de Haile Selassie I son Dieu vivant. Cela a sûrement été aggravé par le reggae et notamment le fait qu'une icône comme Bob Marley chante la magnifique (mais scandaleuse ? ): "Selassie is the chapel" : http://www.youtube.com/watch?v=0LRlmCko58o )

Howell ira plus loin en soulignant qu'il y avait enfin un gouvernement noir souverain, une nation noire souveraine et c'est à cette dernière qu'il fallait faire allégeance, en ignorant la couronne anglaise. C'est alors que commenceront les persécutions, incarcérations, séjours forcés à l'asile de celui qu'on appellera  le GONG.

Howell reste inébranlable malgré les épreuves et continue à prêcher le mouvement rasta. Il créera le Zion, ou Paradis sur terre : ce sera le Pinnacle, la première communauté Rasta, qui comptera à son apogée près de 4500 membres et  deviendra la première entreprise industrielle de production de marijuana; s'attirant les foudres et convoitises des barons de la drogue, des politiciens...

Dans les années 1950, la communauté du Pinnacle, est contrainte de s'éparpiller, diffusant sa philosophie dans tous les ghettos de l'île. Le Gong, Howell tombe dans l'oubli mais son message trouve des adhérents. C'est "in the governement yard in trenchtown" , que Bob Marley reprend le flambeau et décidera , contrairement au Gong , d'être plus "tuff" en ne tombant jamais dans l'oubli et adoptera  le sobriquet  :"Tuff Gong".




Hélène Lee, en abordant le mouvement sous toutes ses coutures : influences, évolutions, origines des pratiques, déconstruit les clichés. Elle explique ainsi, la nécessité éprouvée par Howell et les autres prêcheurs,  de créer un tel mouvement pour l'émancipation politique, économique et culturelle des afros-jamaïcains de l'époque. Cette démarche (de l'auteure) était nécessaire car la radicalisation de certains ordres, les dérives  et l'image bien souvent répandue du rasta high en train de fumer un joint, imitée par les jeunes "rebels" du monde entier ( qui ne savent pas grand chose sur le courant), pousse les gens à associer les rastas à des voyous, indignes de considération ; les empêchant ainsi d'aller au-delà des clichés et d'interroger la philosophie.

Enfin, au-delà du mouvement rasta, l'auteure, à travers l'histoire du "mystic man", brosse le portrait historique, politique, économique et culturel complexe de la Jamaïque de ces 150 dernières années. Elle nous montre comment, un petit groupe d'anciens esclaves, illettrés, méprisés et persécutés, mené par le Gong réussit à imposer sa philosophie, forger l'identité culturelle de la Jamaïque et à exporter cette dernière qui constituera l'un des mouvements les plus populaires du XXe siècle.

Étant une grande fan de reggae et m'intéressant à la culture Jamaïcaine, inutile de vous dire que j'ai adoré ce livre qui m'a permis d'en apprendre davantage sur l'histoire de cette musique,  sur la place de l'Afrique dans l'imaginaire des rastas et bien évidemment sur la vie étonnante du Gong. 
En plus de la vie de ce dernier, l'auteure mentionnera brièvement le parcours de nombreux "culture changer" et personnages complexes qui ont influencé les communautés noires des États-Unis, des Caraïbes et l'Afrique. Je le recommande à tous les amoureux de reggae et tous les curieux!

Pour ceux qui lisent moins :-), voici le lien du documentaire, du même titre, produit par Hélène qui est très intéressant mais, en raison de contraintes évidentes, moins complet que le roman :
"Une histoire que l'on vous a cachée est sûrement vraie "


Je terminerai avec cette chanson de Burning Spear, "Man in the hills" que j'aime beaucoup et qui parle peut-être du Pinnacle ou des Marrons qui se réfugiaient généralement dans des endroits inaccessibles lorsqu'ils s'enfuyaient :  

12 janv. 2013

The Fate of Africa - Martin Meredith


Auteur de nombreux ouvrages sur l'Afrique tel que Born in Africa : the quest of the origins of human life , Diamonds ou encore Mandela : A Biography; Martin Meredith, historien, journaliste et biographe ; tente dans The fate of Africa d'éclairer le lecteur sur la situation actuelle de tous les pays africains à travers leur histoire récente, depuis les indépendances. Tout au long des 700 pages, le lecteur voyagera du  Nord au Sud , de l'Est à l'Ouest; plongera dans la vie des grands acteurs de chacun des pays : militants, activistes, héros, dinosaures au pouvoir, ou encore "martyrs"...

Je ne sais par où commencer ...

J'ai mis plus d'un mois à terminer cet essai qui, aujourd'hui, me semble être indispensable pour tous les amoureux du continent et pour toutes les personnes qui s'intéressent à son histoire, sa politique et surtout son  actualité.  Lorsque l'on écoute les différents journaux qui font le tour de l'actualité africaine, bien souvent ( en ce qui me concerne en tout cas), on entend parler d'évènements/problèmes dont on ne connait pas toujours l'origine; ou encore d'évènements dont on entend parler pendant des mois voire des années en sachant vaguement de quoi il s'agit réellement. Pour faire court, j'écoutais les informations de ma région d'origine avec beaucoup d'attention et les autres, un peu plus passivement car je ne savais pas grand chose sur ces régions lointaines. Mais aujourd'hui, grâce à ce bouquin, j'ai l'esprit plus actif/critique quand je clique sur les journaux Afrique. Cet essai aiguise ma compréhension des évènements qui ont lieu dans mon Afrique de l'Ouest mais également dans toutes les autres régions du continent. Il m'a également donné envie de continuer à en apprendre encore et encore , je n'hésiterais pas à relire certains chapitres quand le besoin s'en fera ressentir... Chacun des chapitres , construit comme des nouvelles, racontées avec du suspens et des rebondissement ; est un véritable cours qui permet de mieux comprendre l'histoire récente des pays concernés ; essentielle pour comprendre leur évolution et situation actuelle. The Fate of Africa , au premier abord, parait intimidant mais dès qu'on le commence, il est impossible de s'ennuyer et de ne pas le terminer.

De cet essai, je retiendrais principalement que bien que l'Afrique soit plurielle car l'histoire précoloniale de chaque pays est différente, l'organisation coloniale et son héritage également , les orientations prises par les différents leaders d'après indépendance étaient différentes également; il y a tout de même de nombreuses constantes si l'on " ne cherche pas plus loin". En effet, d'abord modelés selon les intérêts/succès des puissances coloniales, puis euphorique avec les promesses d'indépendance et l'accession à celle-ci, l'histoire de la plupart des pays va finalement virer au cauchemar notamment dans ce que l'on appelle le processus de démocratisation et ce pour de multiples raisons. Elles sont toutes connues mais il est intéressant de voir le rôle que chacune d'elles à jouer dans chaque pays, à différents degrés. 

En tentant de les regrouper comme suit, j'ai été replongée dans un de mes cours de l'Université de Montréal, intitulé "enjeux politique en Afrique" . Je vais donc m'inspirer de notions que j'ai apprise  pour tenter de décortiquer les grandes tendances que l'on peut faire ressortir de The fate of Africa. 

Il y a des raisons culturels , qui sont évidentes. L'auteur ne mentionne pas la thèse selon laquelle les cultures et pratiques africaines pré coloniales seraient peu propices à la démocratie ou au développement. Il affirme  plutôt qu'entre autre, le fait d'obliger différentes ethnies  à cohabiter au sein d'un espace déterminé aura eu un impact sur la transition démocratique ( libéralisation puis phase de consolidation). La diversité ethnique et religieuse semblerait être un obstacle au processus de démocratisation car elle pousserait les individus à se battre pour les intérêts de leur groupe plutôt que pour ceux de la nation (concept alors récent, qui a été forcé et pas encore bien "intégré" par les populations). Mais alors que dire du cas de la Somalie, le seul pays qui , au sortir de la colonisation , avait une véritable homogénéité ethnique et culturelle  et qui s'est pourtant retrouvée dans une guerre ? Et ceux dont la relative hétérogénéité culturelle n'a pas engendré de problème ? En réalité, la diversité n'est pas réellement le problème mais la politisation de cette dernière.

Il y a ensuite des raisons économique. L'auteur ne mentionne pas que l'économie coloniale était fondée sur 3 exigences, qui ont survécu après la colonisation : l'impératif de revenue et d'autonomie des colonies, l'impératif d'accumulation de la puissance coloniale  et l'impératif d'articulation à l'économie de la métropole. Ces derniers, ont engendré une extraversion et désarticulation des économies africaines , la mise en place d'un système économique essentiellement de rente et une valorisation externe de nos richesses. Mais dans deux chapitres intitulés "The slippery slope" (16) et "The lost decade" (22), l'auteur tente d'expliquer les raisons de ses fiascos économiques, qui sont à la fois les explications et le résultats de l'échec des processus de démocratisation. 
"The slippery slope" nous explique qu'en 1970, le continent africain connait une séries de calamités  ( sécheresse, baisse des niveaux de production agricole, baisse du niveau du Lac Tchad..) aggravées par des facteurs externes ( récession mondiale, choc pétrolier). Toutefois, selon l'auteur "real problems were not due to external factor but rather internal ones" : corruption et néopatrimonialisme, course aux ressources/richesses qui engendre des conflits, manque d'investissements , système inadéquat de commercialisation , manque d'équipements, personnels peu qualifiés... Selon ce dernier, l'histoire du Ghana à cette période, illustrerait parfaitement le déclin d'une Afrique dans laquelle le seul secteur florissant était le kalabule- le marché noir.
Dans "The lost decade", il explique que " So steep was Africa's economic decline during the 1980s that it became known as the lost decade"p.368. C'est la décennie durant laquelle le niveau de vie baisse dramatiquement, les infrastructures issues de l'ère coloniale tombent en décrépitude, la fuite des cerveaux s'amorcent, le secteur informel se renforce, le marché noir est roi et les ajustements structurels font leur apparition. Le Ghana devient alors la "star performer" de ses ajustements structurels sous Rawlings. Au détriment de la dette du pays, qui double entre 1983 et 1988.
Ainsi , ces mesures imposées par les institutions internationales n'auront pas les effets escomptés et la Banque Mondiale arrivera à la conclusion selon laquelle " economic growth alone would not solve the crisis, political reform too was essential".  On assistera  alors  à l'apparition de la conditionnalité démocratique en matière d'aide publique au développement.

Il y a le facteur institutionnelle. L'auteur mentionne brièvement ,dans son introduction, l'impact de la colonisation sur les formes d'organisation territoriale en Afrique en parlant de la conférence de Berlin et de la manière dont les états ont été construits , modelés selon les conquêtes/intérêts. Mais l'auteur ne mentionne pas que les différents modèles de domination ( directe/assimilation, indirect rule, colonie de peuplement...) ont des impacts différents sur les États postcoloniaux. Dans le cas des colonies portugaise par exemple, marquée par la désorganisation , la violence et les travaux forcés , les élites de l'après indépendance ont continué à reproduire ces "traits"...  Ainsi, les états postcoloniaux africains sont des États hybrides  car héritier de l'Afrique traditionelle, coloniale et postcoloniale. Dans les années 1960 , on assiste à une diversification de régime autoritaire à travers les régimes de parti unique, ceux d'orientation marxiste, les régimes populistes (les meilleurs), les sultanismes (pire )et les régimes d'apartheid (pire)...Avec la vague de démocratisation des années 1990, ces régimes disparaissent. Bien que différent, ils partageaient toutefois un trait commun, qui a aujourd'hui un impact dans tous les pays : la gestion néopatrimoniale. Elle engendre une tendance à la corruption,  aux systèmes de patronage et la difficulté du développement. Elle engendre également une tendance à l'autoritarisme et une prédisposition aux conflits. Elle engendre une difficile institutionnalisation du pouvoir et la fréquence des alternances violentes. Enfin, elle engendre une tendance à l'écrasement de la société civile.

 La gestion néopatrimoniale est indissociable du facteur stratégique (les leaders comme force politique) . Le facteur stratégique est selon moi celui que l'auteur a privilégié tout au long de son travail. En effet, il brosse le portrait historique des pays à travers l'histoire et le parcours des acteurs importants de ces derniers ; notamment celui qui a conduit à l'indépendance puis par la suite les grands acteurs politiques qui ont marqué/forgé l'histoire récente de chacun d'entre eux. Le parcours de ces derniers, permet bien souvent de mieux comprendre l'orientation qu'ils ont donné aux pays qu'ils ont gouverné. Bien souvent les leaders de l'indépendance étaient des héros , plein de bonne volonté qui ont très vite montré leurs limites et démontrer de nouvelles motivations. Entraînant les peuples de l'euphorie au cauchemar...
L'histoire des pays est donc indissociable de celle de leur leader et l'auteur l'a bien compris en procédant de la sorte.

Enfin, il y a le dernier facteur, qui à mon humble avis est le plus important : car il englobe tous les autres facteurs : l'histoire. À travers l'histoire RÉCENTE de tous les autres facteurs on sait comment nous en sommes arrivés là. L'histoire est déterminante et permet d'expliquer le développement de certains processus ou encore caractères propres à des pays ou sociétés. Elle permet même parfois de prédire l'évolution de ces derniers d'où sont importance.

Ainsi, la culture, l'économie, les institutions, les leaders comme force politique et l'histoire sont les cinq grands facteurs qui ont influé, à divers niveaux et degrés, sur le cours de l'histoire des pays africains notamment dans les processus de démocratisation, conduisant aux situations diverses que l'on connait aujourd'hui malgré les quelques "constantes" de départ.




Les histoires qui m'ont le plus choquée sont celles de la Guinée équatoriale , de l'Ouganda et de la Centrafique , avec leurs leaders adeptes de sacrifices humains et bien d'autres horreurs... Il y a également les histoires tragiques de la région des Grands Lacs qui s'interpénètrent et s’entraînent mutuellement dans des cauchemars  encore aujourd'hui: Rwanda, Burundi, Ouganda, RDC... Enfin la guerre au Libéria et en Sierra Leone avec leurs enfants soldats...
Il y a également la politique de l'Ujamaa de Julius Nyerere qui m'a fait penser à la politique de collectivisation forcée et brutale du régime du Kampuchéa (Khmer rouge) et ses conséquences désastreuses...
Il y a celles qui m'ont étonnée : le Mobutuism, le Nkrumaism, le Bourguibaism et autres politiques d'africanisation ou arabisation qui semblaient plutôt être l'expression de la mégalomanie des leaders concernés... 
Il y a celles qui m'ont fait froid dans le dos : le dénie de l'existence du Sida par Thabo Mbeki puis son entêtement qui ont engendré la mort de plus de 300 000 personnes en Afrique du Sud ou encore la chasse aux intellectuelles opérées par certains leaders...
Il y a celles qui m'ont déçue car elles m'ont révélé des choses que j'ignorais soit en démystifiant un leader que j'aimais bien, soit en  me faisant réaliser combien de véritables héros de l'après indépendance, sont devenus irascibles, incohérents parfois au point de faire partie , aujourd'hui, de la catégorie des rhinocéros /dinosaures encore au pouvoir...
Puis il y a celles qui émerveillent, les plus positives finalement ( Afrique du Sud, Botswana, Sénégal) mais dont la bonne évolution ne semble pas toujours irréversible, bien souvent, encore une fois, à cause des actions/inactions de leur leader ( Sénégal ,Afrique du Sud). Le Botswana semble être l'incontestable exception africaine.

The fate of Africa est donc un travail important et impressionnant réalisé par Martin Meredith. Chacun des chapitres concerne un pays ou un sujets transversales comme l'économie, le sida, l'apparition des islamistes radicaux au Maghreb , le concept de la Renaissance Africaine et bien d'autres encore... Il y a également des annexes avec quelques photos de dirigeants ou d'évènements importants...

Bien qu'il permette de comprendre notre histoire récente, il ne doit pas nous faire oublier que la situation actuelle du continent africain est le fruit d'un processus complexe qui a commencé bien avant la période des indépendances, bien avant la période de l'arrivée des premiers explorateurs car lorsque ces derniers sont arrivés, l'Afrique connaissait déjà des bouleversements internes qui l'ont fragilisé et l'ont rendu plus vulnérable aux agressions/agresseurs externes.
 Nous devons nous rappeler que notre histoire ne commence pas en 1960 et c'est aux africains de faire le travail et les recherches nécessaires pour produire des volumes aussi importants sur notre histoire précoloniale et ses mystères. 

Je terminerai avec une phrase surprenante de la part de la personne qui l'a émise : Hastings Banda, président du Malawi de 1968 à 1994, prononcée bien évidemment, après son règne " This is the trouble in Africa today : too many ignorant people who do not know anything about history"..."And if they do know anything about it they do not know how to interpret and apply it. That is why Africa is a mess. That is the tragedy of Africa : too many ignorant people are in position of power and responsibility." p.409